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Mo's blog
3 mai 2006

Nezz (1/4)

Un samedi soir, début mai 2004.

Je rentre d'une de mes premières sorties depuis mon séjour hospitalier de fin février aux stigmates intérieurs encore bien prégnants (http://morrissey.canalblog.com/archives/2004/12/29/980751.html). Je m’efforce de retrouver mes repères biologiques aux petites heures du matin.
3.00, une heure fort raisonnable mais encore impossible à imaginer quelques jours plus tôt. Une première victoire dans ma lutte pour dompter cette apathie persistante. La soirée, agréable, s'oubliera vite mais mon retour dans le monde de la nuit a livré ses premiers effets en réactivant mon métabolisme et des sens un peu endormis.
Comme à mon habitude, je ne peux me résoudre à rejoindre immédiatement mon lit. Plus fort que la fatigue physique, le bouillonnement mental réclame du temps avant son accalmie. Je dois en outre appréhender la solitude du retour au silence. Je cherche à prolonger encore un peu la sensation de promiscuité des corps et de la chaleur humaine ambiante en consultant certains profils sur le net. Une étape transitoire pour se détacher progressivement du vide ressenti avant de plonger, seul, dans les méandres insondables de la planète rêve.

Je reçois un premier message (à moins que ce ne soit moi qui l'ai initié?). Il est jeune, très jeune même, 18 ans. Une situation moins déstabilisante qu'elle n'en a l'air. Le passé nous a déjà mis au prise avec des garçons de cet âge bien que souvent nous ne l'ayons appris que plus tard. La marge avec notre tranche d'âge privilégiée est finalement infime.
Ses photos évoquent une nature rêveuse, avec ces cheveux dans le vent qui semblent avoir échappé au dernier rendez-vous du coiffeur. D’autres clichés le font apparaître ludique, voire plus lubrique sans doute que je ne l’avais imaginé.
Sans appréhension apparente, il est disposé à venir le lendemain par train, de Gand ou ses environs.
La simplicité de la démarche annihile tout approfondissement de la réflexion. Rendez-vous pris.

Le lendemain, par une après-midi ensoleillée, un jeune homme à la fraîcheur inspiratrice débarque à la maison. Je suis fasciné d'emblée par la beauté, la poésie et l’évasion auxquelles nous invite son visage. Son prénom demeurant insaisissable lors des présentations orales, il me convie à lire l'inscription sur son sac-à-dos. Ainsi s’appelle-t-il Nezz.

Le printemps imprime sa joie de vivre en cette journée dominicale, lâchant ses premières bombes sur la morosité des mois antérieurs. Nous descendons au jardin pour prendre un verre et échanger un premier contact docile. Chaque amant potentiel cache un personnage dont la psychologie m'intéresse et cette recherche s'intègre parfaitement dans notre démarche. Elle constitue même pour moi une motivation, un moyen de dépasser l’aspect purement sexuel de la rencontre.

Je découvre au grand jour ses magnifiques yeux bleu-lagons d'une profondeur à apaiser toutes les colères du monde. Quelque peu intimidé, il tente quelques bribes de paroles en français, non sans mal. Parfois balbutiante, notre conversation demeure toutefois compréhensible pour l'essentiel.
Après lui avoir exprimé ma surprise quant à sa venue, il m'avoue le caractère exceptionnel de sa démarche. Il compte seulement 3 expériences sexuelles dont deux avec le même garçon. Des souvenirs peu mémorables qui l'ont conduit à l'abstinence durant de longs mois. La dernière fois, son partenaire ne s'est même pas retourné pour le saluer à son départ. Il a pris sa décision par pur instinct, persuadé au fonds de lui que tout se passerait bien avec nous.
Son aplomb m’étonne autant qu’il me séduit. Je m'imagine volontiers à sa place. Le destin a forgé mon histoire, d’autres circonstances auraient indéniablement ménagé une autre issue. La forme que prennent ses premiers pas dans la vie gay exprime symboliquement l’une d’entre elles et j’ai l’impression de devoir veiller à ce bon déroulement comme je me l’appliquerais à moi-même. Je ne peux en outre pas trahir la confiance témoignée en venant ainsi jusqu'à nous.
Constatant sa nervosité, je lui demande s'il est angoissé. Il me répond qu'il est excité. Je pense qu'il se trompe de terme mais il m’en confirme la signification en d'autres mots. Nous ne pouvons qu'en rigoler et, à l’écoute de son désir, y répondre immédiatement.

Le soleil a envahi la chambre. Je contemple son corps, un peu trop maigre à mon goût mais d’une douceur agréable au toucher. L'excitation évoquée ne tarde pas à se vérifier. Il jouit très rapidement. Les hormones, dit-il. Il nous avait d’ailleurs prévenu à l'avance, nous avons veillé à passer au plus vite par cette étape (à son âge, on recharge vite de toute façon).
Il met une application rare à provoquer notre plaisir, le sien semblant déjà totalement acquis. Son abandon est total. Il a décidé de nous confier les clés de cette aventure, responsabilité lourde bien que logique en tant qu’aîné. Il en va de ces rencontres étonnantes où l'osmose prend forme par miracle. Son investissement y est pour beaucoup, nous accompagnons sa démarche.
Lorsqu'en fin de course, il se blottit contre moi, je n'ai pas le réflexe de bouger. Avec lui, je n'éprouve pas cette gêne de partager, au-delà d'un acte, une intimité souvent réservée au couple. Je me sens bien à ses côtés. Quelques caresses, de la tendresse. Je profite de cette rareté.

Nous passons l'après-midi à accueillir le soleil sur nos peaux blanches, à discuter, à regarder Ab Fab. Il a soif d'apprendre. Il semble à la fois mature dans la direction qu’il souhaite impulser à sa vie et tellement novice dans la concrétisation pratique. Il ne semble connaître ni l'amour, ni les contours d’une vie à deux. Constat troublant autant qu’émouvant.
En fin de journée, nous refaisons l'amour. La tendresse de nos échanges des dernières heures s’y traduit de manière aiguisée. Il restera loger ce soir, sa place réservée entre nous deux.
Cette après-midi, cette soirée, cette nuit, j'ai soudain oublié l’apocalypse de mes récentes idées noires. Dans le lent chemin de ma convalescence un ange voluptueux a surgi…

"On the day that you were born
The angels got together and decided
To create a dream come true
So they sprinkled moondust in your hair
Of gold and starlight in your eyes of blue" ("Close to You" - The Carpenters)

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Commentaires
M
En mai fait ce qu'il te plaît, dicton oblige et le regard ailleurs pour comprendre le meilleur. Merci Mo'
M
Je ne zappe plus, elle est revenue (la musique)plus exactement la barre ..
M
Ecrit par un autre, j'aurais éprouvé en lisant la même compassion, cependant il y a là quelque chose de plus qui me trouble et je n'arrive pas à l'exprimer simplement. Le besoin impérieux de savoir s'il faut dire ? Tu m'éclaires, c'est sûr, pour ce qui me torture et après ?<br /> Délibérément je zappe ta musique .. pour une symphonie, c'est moins dur
J
Et bien il ne reste plus qu'à te souhaiter la même chose pour 2006. Et en plus il fait beau aujourd'hui.
P
... in someone else that I find myself etc.
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