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Mo's blog
1 septembre 2008

Facebook

Longtemps j'ai fui Facebook.
Je n'aimais pas ce dévoilement public qui contrastait tant avec l'anonymat à la fois tranquille et libéré de ce blog ou des sites de rencontre autorisant plus d'intimité et de fantaisie. Cette participation consciente à une forme de big brother (pourtant bien éloignée de celle en œuvre dans le THX 1138 de George Lucas) représentait une intrusion gênante dans ma vie privée, le tout à portée de clic.
J'avais lu en outre que beaucoup d'employeurs consultaient Facebook, notamment dans un but de disqualifier un candidat dans la masse de postulants.
Toute manipulation de cet outil virtuel pourrait donc constituer une empreinte indélébile dans le traçage de mes préférences, mes états d'âme ou mes fréquentations.

Profitant d'un moment de temps libre prolongé, je me suis néanmoins lancé dans l'aventure récemment. Je peux facilement en identifier la raison. Au travers de ce blog, j'avais déjà tenté de retisser ces derniers temps un lien entre le passé et le présent.
Longtemps durant, je m'étais établi une frontière autant géographique que mentale entre mon adolescence familiale et mon déménagement à Bruxelles qui s'est conjuguée avec la découverte de ma sexualité. Un passage obligé pour me donner un nouvel élan, oublier les spectres du passé, les figures de style (comportementales) imposées pour faire émerger un nouveau moi plus conforme à ma nature profonde et à mes désirs. La mise à distance a produit ses effets et c'est avec un soulagement certain que le fossé entre deux vies apparemment irréconciliables s'est transformé en gouffre avec un abandon de mémoire libérateur. Je pouvais me créer une nouvelle image sans que quelqu'un ne s'étonne des transformations ou ne me juge.

Bien du temps s'est écoulé depuis. Motivé par les réflexions de mon blog (pas toujours diffusées d'ailleurs), j'ai pris contact il y a peu avec des deux à trois anciennes camarades, à la fois pour mieux comprendre le passé et oser affirmer qui j'étais (la sexualité est tout de même une identité, en tout cas elle l'est pleinement pour moi). D'une certaine manière, je ne me sentais pas assez fort jusqu'alors pour affirmer haut et fort cette vérité. Une forme de culpabilité très profondément enfouie continue encore ça et là à me hanter et m'empêche de banaliser totalement en terrain incertain ma vie affective.

Cette démarche de réconciliation de son histoire personnelle relève d'une volonté assez commune de relier les fils épars de son existence pour leur donner un semblant de cohérence. Revoir ou discuter avec d'anciennes connaissances pour atomiser le temps, rapprocher les différentes étapes de sa vie. Comme si de la confusion, l'évaporation des souvenirs individuels devait surgir tôt ou tard, par la grâce de leur partage, la clarté du sens des événements. En rompant la discontinuité des périodes passées de notre vie, nous nous rassurons sur le futur et surtout son terme. Si notre existence parvient à former un tout homogène, pourquoi n'en serait-il pas ainsi aussi lors de notre passage vers un autre monde?

Je me suis donc lancé. J'ai cherché dans l'annuaire les personnes qui avaient pris une place durant mon enfance et adolescence. Avec quelques surprises pas toujours heureuses, notamment des changements de physionomie parfois effrayants. J'ai retrouvé pas mal de camarades d'école primaire (6 à 12 ans) et bizarrement très peu du secondaire. Dernièrement, la personne dont l'évolution m'intriguait le plus s'est manifestée. Syl, ce trouble ado inassouvi, n'a visiblement pas trop changé physiquement. Marié, un enfant, il mène, dans le calme de la campagne ardennaise, une vie apparemment bien rangée.

A bien des égards, ma curiosité a été satisfaite au travers de ce site. Le profil de mes camarades m'a révélé dans les grandes lignes leur évolution physique, leur parcours professionnel, leur situation affective ou leurs loisirs. Mais je ne peux dissimuler un sentiment global de déception. Certes, l'absence de contact direct empêche la découverte de vérités plus cachées ou un échange sur notre passé mais devant les photos qui s'étalent devant mes yeux, les quelques mots qu'ils ont couchés sur la toile, j'ai l'impression que rien d'extraordinaire ne finira par émerger. Une déception tirée de la banalité des existences, de la faiblesse des liens passés et que rien ne semble pouvoir transfigurer. Je pourrais tenter tout de même d'aller plus loin, en me rendant à ces retrouvailles récemment évoquées par l'un d'entre eux. Mais je ne m'imagine pas révéler à chacune de mes conversations que je vis avec un garçon en ignorant les réactions (sans doute non verbales) de gens restés vivre dans leur province. Je trouve peut-être là ce qui reste comme une limite dans l'affirmation de moi.

Mais plus encore l'espoir absent de raviver une flamme intime probante m'enjoint à me tenir à distance. Je crains la vacuité résultant de cette rencontre, qui ouvrirait de manière trop flagrante cette brèche de discontinuité dont l'apparente reconstitution des séquences ne pourra plus cacher le leurre.

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Commentaires
M
Pour te faire signe en passant ...
M
Nous préparerais-tu un joli conte pour Sint Nicklas ? Je suis virtuellement aussi sur Facebook (incognito) mais j'ai largement passé l'âge !!!
M
J'aurais pu préciser qu'à ma génération, seules les écoles maternelles étaient mixtes. C'est seulement à partir de l'université que filles et garçons étudiaient ensemble. Si en plus tu avais la "malchance" d'habiter avec tes parents dans la ville, aucune liberté jusqu'à la majorité (21 ans)
J
Je me suis permis de regarder les photos de vacances de 2006. Très belles photos, et bel arrangement musical.<br /> Jj
M
De fort intéressantes réflexions. Pour ma part je n'ai aucune envie de "retrouver" les communautés de ma jeunesse. "On" m'a recherchée, j'ai fui. C'est, je pense tout comme toi, aller vers des déceptions en raison des accompagnants de vie (principalement les conjoints). Je n'ai aucune envie de faire savoir ce que je deviens. Ce serait trop risqué. Mes enfants n'ont pas ces réticences et n'ont pas "coupé les ponts" avec leurs anciens camarades. Moi, si !
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