Longtemps j'ai fui Facebook.
Je n'aimais pas ce
dévoilement public qui contrastait tant avec l'anonymat à la fois tranquille et
libéré de ce blog ou des sites de rencontre autorisant plus d'intimité et de
fantaisie. Cette participation consciente à une forme de big brother (pourtant
bien éloignée de celle en œuvre dans le THX 1138 de George Lucas) représentait
une intrusion gênante dans ma vie privée, le tout à portée de clic.
J'avais lu en outre que
beaucoup d'employeurs consultaient Facebook, notamment dans un but de
disqualifier un candidat dans la masse de postulants.
Toute manipulation de cet outil virtuel pourrait donc constituer une empreinte
indélébile dans le traçage de mes préférences, mes états d'âme ou mes
fréquentations.
Profitant d'un moment de
temps libre prolongé, je me suis néanmoins lancé dans l'aventure récemment. Je
peux facilement en identifier la raison. Au travers de ce blog, j'avais déjà
tenté de retisser ces derniers temps un lien entre le passé et le présent.
Longtemps durant, je m'étais établi une frontière autant géographique que
mentale entre mon adolescence familiale et mon déménagement à Bruxelles qui
s'est conjuguée avec la découverte de ma sexualité. Un passage obligé pour me
donner un nouvel élan, oublier les spectres du passé, les figures de style
(comportementales) imposées pour faire émerger un nouveau moi plus conforme à
ma nature profonde et à mes désirs. La mise à distance a produit ses effets et
c'est avec un soulagement certain que le fossé entre deux vies apparemment
irréconciliables s'est transformé en gouffre avec un abandon de mémoire
libérateur. Je pouvais me créer une nouvelle image sans que quelqu'un ne
s'étonne des transformations ou ne me juge.
Bien du temps s'est écoulé
depuis. Motivé par les réflexions de mon blog (pas toujours diffusées
d'ailleurs), j'ai pris contact il y a peu avec des deux à trois anciennes camarades,
à la fois pour mieux comprendre le passé et oser affirmer qui j'étais (la sexualité
est tout de même une identité, en tout cas elle l'est pleinement pour moi).
D'une certaine manière, je ne me sentais pas assez fort jusqu'alors pour
affirmer haut et fort cette vérité. Une forme de culpabilité très profondément
enfouie continue encore ça et là à me hanter et m'empêche de banaliser
totalement en terrain incertain ma vie affective.
Cette démarche de
réconciliation de son histoire personnelle relève d'une volonté assez commune
de relier les fils épars de son existence pour leur donner un semblant de
cohérence. Revoir ou discuter avec d'anciennes connaissances pour atomiser le
temps, rapprocher les différentes étapes de sa vie. Comme si de la confusion,
l'évaporation des souvenirs individuels devait surgir tôt ou tard, par la grâce
de leur partage, la clarté du sens des événements. En rompant la discontinuité
des périodes passées de notre vie, nous nous rassurons sur le futur et surtout
son terme. Si notre existence parvient à former un tout homogène, pourquoi n'en
serait-il pas ainsi aussi lors de notre passage vers un autre monde?
Je me suis donc lancé. J'ai
cherché dans l'annuaire les personnes qui avaient pris une place durant mon
enfance et adolescence. Avec quelques surprises pas toujours heureuses,
notamment des changements de physionomie parfois effrayants. J'ai retrouvé pas
mal de camarades d'école primaire (6 à 12 ans) et bizarrement très peu du
secondaire. Dernièrement, la personne dont l'évolution m'intriguait le plus
s'est manifestée. Syl, ce trouble ado inassouvi, n'a visiblement pas trop
changé physiquement. Marié, un enfant, il mène, dans le calme de la campagne
ardennaise, une vie apparemment bien rangée.
A bien des égards, ma
curiosité a été satisfaite au travers de ce site. Le profil de mes camarades
m'a révélé dans les grandes lignes leur évolution physique, leur parcours
professionnel, leur situation affective ou leurs loisirs. Mais je ne peux
dissimuler un sentiment global de déception. Certes, l'absence de contact
direct empêche la découverte de vérités plus cachées ou un échange sur notre
passé mais devant les photos qui s'étalent devant mes yeux, les quelques mots
qu'ils ont couchés sur la toile, j'ai l'impression que rien d'extraordinaire ne
finira par émerger. Une déception tirée de la banalité des existences, de la
faiblesse des liens passés et que rien ne semble pouvoir transfigurer. Je
pourrais tenter tout de même d'aller plus loin, en me rendant à ces
retrouvailles récemment évoquées par l'un d'entre eux. Mais je ne m'imagine pas
révéler à chacune de mes conversations que je vis avec un garçon en ignorant
les réactions (sans doute non verbales) de gens restés vivre dans leur
province. Je trouve peut-être là ce qui reste comme une limite dans
l'affirmation de moi.
Mais plus encore l'espoir
absent de raviver une flamme intime probante m'enjoint à me tenir à distance.
Je crains la vacuité résultant de cette rencontre, qui ouvrirait de manière
trop flagrante cette brèche de discontinuité dont l'apparente reconstitution
des séquences ne pourra plus cacher le leurre.
Des mots qui s'effacent
Si le fait de blogger
constitue une réponse à une préoccupation, une solution à une demande
intérieure forte, l'absence d'écriture constitue-t-elle un symptôme quelconque?
Sans doute non me
direz-vous: il suffit de vivre les moments présents, se laisser emporter par le
plaisir de vivre. Je parviens toujours à m'étonner de cette capacité qu'ont les
gens même parmi des grosses têtes à évacuer le questionnement, la réflexion sur
la condition humaine et sociétale. Il y a bien moyen de vivre sans barrière
intérieure semblent-ils m'enseigner.
Mais après avoir goûté à l'écriture, nous savons pertinemment que nous ne
n'appartenons décidément pas à cette catégorie, que le tourment ne nous
abandonnera jamais et qu'il faudra accepter de le prendre avec soi tout au long
de son existence.
Reste donc le silence comme
symptôme à moins qu'il ne soit fin de cycle. Les deux hypothèses sont
possibles. J'ai déjà beaucoup écrit et ma vie actuelle est parsemée
d'événements dont j'ai pu commenter la forme. Quoique. Le questionnement sur la
plongée dans une période charnière s'est intensifié depuis près d'un an. J'ai
définitivement quitté la prime jeunesse à laquelle je ne parviens plus à
m'identifier. Elle m'impressionne toujours, m'attire encore mais réserve aussi
de temps en temps le doux sentiment d'avoir atteint un stade ultérieur. Dans
bien des cas, cette post-adolescence s'exprime soit dans une naïveté
(compréhensible mais dépassée à mon goût), soit dans un inaccomplissement
d'ordre psychologique, affectif, voire même matériel qui ne me fait pas
regretter de l'avoir quittée.
Mais cette distance ne
signifie en aucune manière séparation. Je m'accroche toujours à son wagon d'une
manière ou d'une autre, je tiens à y accéder. Non plus donc en élément
constitutif, parmi mes semblables mais comme figure différente, assumant cette
maturité, voire ce rôle de balise que je peux (nous pouvons) constituer à un
moment.
J'en tire probablement un plaisir supplémentaire quant à mes défis de séduction.
Plaire encore à une jeunesse (attirante - les deux doivent encore aller de
pair) me rassérène face à mes incertitudes, renforce mes éventuelles victoires
que représentent les conquêtes.
Cette période latente qui m'autorise encore ces succès ne saura durer
éternellement et c'est sans doute cette proximité avec ce qui m'apparaît trop
comme une forme de déchéance qui m'empêche tout détachement de longue durée,
voire définitif.
Pourtant, une partie de moi
y aspire. Cette vie rythmée de sorties, de séductions (même si elles n'occupent
pas toute mon existence loin de là) génère des stress de toute forme dont les
manifestations agissent directement sur mon corps (et ne pas avoir possession
de son bien-être corporel, c'est perdre le contrôle de son existence) mais
aussi des obligations qui ne correspondent pas toujours aux désirs intérieurs
les plus profonds. Le prix à payer est parfois lourd et une forme de lassitude
finit par s'installer.
Devrais-je continuer à
raconter des rencontres intéressantes pour donner sens- à côté du simple
plaisir- à ma démarche par l'analyse d'un constat et la révélation de
certaines vérités individuelles et donc universelles (l'accès à une intimité
inviolable sans cette approche sexuelle) et par sa diffusion même seulement
confidentielle?
Ou dois-je admettre qu'au bout de ma lassitude devra finir par émerger (dans un
optimisme presque beat) de nouveaux projets, de nouvelles formes
d'épanouissement, d'enrichissement censé m'apporter un nouvel équilibre à moyen
ou long terme ? Le silence serait alors un passage obligé pour refermer une
tranche de vie. Une part d'honnêteté m'y incite, une forme de modestie aussi
car coucher des mots, c'est leur donner une consistance, une importance que je
ne parviens plus aujourd'hui à justifier.
Standard champion (ou l'impossible partage?)
Ce dimanche soir, j’ai vécu un moment historique,
inoubliable, devenu presque inespéré. Mon équipe de foot favorite, le Standard
de Liège, est parvenue à décrocher le titre de champion de Belgique pour la
première fois depuis 25 ans.
Depuis toutes ces années, les déceptions ont été régulières,
les railleries permanentes de la part des supporters rivaux. Dans ces moments
où certains ont pu céder au découragement, j’ai sans doute encore davantage
puisé un sentiment d’appartenance à ces couleurs rouges et blanches. Et bien
d’autres (plus encore que moi) ont manifesté une ferveur pour maintenir le
mythe du club (sans eux, il n’existerait probablement plus). L’enthousiasme
sans limite a permis le retour de l’enfer de Sclessin sous les chants d’un
public chaud, latin, incomparable dans notre plat pays.
Le miracle s’est produit dimanche soir avec un
scénario idéal : le match nul d’un adversaire l’après-midi autorisant à
devenir champion le soir en cas de victoire face l’ennemi de toujours
Anderlecht placé en embuscade, le coup d’envoi donné par Zizou (ami personnel
du manager du club) et cette victoire 2-0 (acquise grâce aux buts d’un joueur
ayant évolué l’année dernière chez ce rival), avant la liesse dans les rues de
la cité ardente survoltée par l’exploit (le club ne disposant
« plus » que du 4ème budget du championnat, deux à trois
fois moindre que celui d’Anderlecht mais alignant des jeunes joueurs au
potentiel phénoménal sous les ordres d’un grand monsieur).
Cet événement a généré en moi une puissance émotionnelle
phénoménale. Je revois tous les moments difficiles que j’ai connus comme
supporter, les bonheurs intenses glanés ça et là sans atteindre le climax de ce
titre. C’est un peu comme si ma vie avait atteint un objectif, une raison,
quelque chose d’inaliénable, gravé à tout jamais.
Pour certains, ce firmament (le plus beau jour de sa vie comme on dit souvent)
se matérialise davantage par des événements comme un mariage par exemple. A
cette occasion, les félicitations fusent, les marques de partage du bonheur se
répandent.
Pour mes proches, qui connaissent mon engouement et ma passion pour le club,
l’incompréhension prédomine (encore plus parmi les gays je dois avouer) et il
semble leur être impossible de faire preuve d’empathie à ce sujet.
Dimanche soir et lundi matin (à l’exception des deux à trois personnes avec qui
j’ai partagé le bonheur en direct), je n’ai reçu qu’un seul message visant à
partager mon bonheur. Cela n’entache en rien mon plaisir (les supporters d’un
club de foot, c’est aussi une grande famille, sans connaissance véritable entre
eux mais avec ce lien vague, fugace mais sublimé par des instants intenses
partagés dans un stade ou dans un café). Ceci vient seulement rappeler un
constat (sans jugement particulier car je m’associe à cette vérité) sur la
nature fondamentalement égoïste de l’être humain qui n’est probablement capable
d’altruisme que par conditionnement culturel et spécialement dans les domaines
qui le touchent.
Dire cela, c’est déjà estimer par nature l’inutilité de cet article en direction de ses éventuels lecteurs. Qu’importe, je vous ferai partager (ou non) ce cri de ralliement, presque possédé, d’un supporter « rouche ». C’était il y a deux ans. Sa prophétie ne s’est pas alors réalisée mais elle convient dorénavant si bien au contexte actuel…
http://www.youtube.com/watch?v=fbRRYHTiuOY
Un séjour en Israël
Un voyage en Israël,
lieu d’interaction, de friction, de fusion entre deux perceptions dominantes et
presque antinomiques, spécialement pour un gay étranger.
Dans le monde occidental, Israël incarne aujourd’hui l’insécurité la plus totale. Que les
commentaires émanent de la
famille, des amis ou de collègues, l’annonce du voyage a
surpris, inquiété, fait l’objet de railleries sur le risque de ne pas en
revenir. J’ai éprouvé également ce doute devant l’attention médiatique portée
au terrorisme né du conflit
israëlo-palestinien et les appels à la mort de l’état hébreu véhiculés par
l’Iran ou le Hamas (pour ne citer qu’eux). Cette terre tant convoitée a d’ailleurs
subi les effets du 11/09 par ricochet, avec un effondrement du tourisme. Seuls y
voyagent aujourd'hui les juifs du monde entier dont une
partie (français et américains principalement) a investi dans l’immobilier pour
se garantir une porte de sortie en cas de situation intenable dans leur pays, avec un boom sous-jacent des prix. L'angoisse que ressentent actuellement les
israëliens ne porte pas tant sur les menaces proférées par les pays voisins que vis-à-vis de la
société néolibérale qui s’est installée, obligeant à titre d’exemple une femme de 55 ans (et en couple) à conduire son taxi 11 heures par jour pour s’en
sortir. Une peur qui n’est pas la nôtre, centrée
sur ces fameuses tours qui s’effondrent, ces kamikazes qui se font exploser,
cette crainte diffuse d’être là au mauvais moment.
En rejoignant Tel Aviv, nous plongeons au sein d’une ville
libérale, d’accueil pour tous les gays nationaux, loin de ces régions où la
religiosité ne leur permet pas de s’épanouir. La gayttitude qui s’y déploie peut-être
comme nulle part ailleurs s’incarne dans l’imagerie de ces corps finement
dessinés lors de leur passage obligé
par l’armée et la culture du
sport qui l'accompagne, par l’uniforme qu'arborent fièrement ces jeunes
soldats comme symbole du service rendu à la nation (le souvenir
persistant de l’effroyable Shoa demeure le seul véritable trait d’union entre les citoyens du pays affirment certains intellectuels), par
ce goût du beau qui semble régner, magnifié il est vrai par la fulgurance de
regards bleu-océan – le plus beau
peuple disent ceux qui sont passés émerveillés par là.
Et quand ce corps
uniformément musclé (avec la parcimonie qui relève de l'élégance),
ce déploiement lascif de danseur, ce sourire tendre, ce regard profond atterrit
sur les draps, sous ses doigts, une forme de finitude s’inscrit dans le creux du
cerveau. Bien sûr, le moment était mal choisi, les circonstances climatiques et
personnelles pas du tout idéales mais l’image de perfection qui s’est figée
devant mes yeux rend plus palpable l’inatteignable possession de l’autre. Ce
corps que l’on voudrait pétrir jusqu’à en saisir les entrailles, qu’il se mue
en présence éternelle se transforme au contraire en une altérité intouchable
bien que si proche, une œuvre à regarder encore et encore, tant et plus, avec
le respect qui leur est dû. Le désir est présent mais impossible à surpasser.
Je bande et je débande. Il me suffirait de sortir du cadran, devenir spectateur
de mon propre acte pour retrouver la sensation du climax désirant. Mais je
perds pied, le contrôle m’échappe. Comment adopter la posture dominante qui
m’est assignée (par lui ou par moi ?) face à la puissance de cette statue
angélique qui me renvoie à ces muscles pas assez façonnés, à ce visage
qui semble traduire particulièrement
aujourd’hui le poids des années, à cette fragilité toujours prête à exploser et
qui se réveille forcément ce matin?
Un éclat de bombe en
plein coeur face à cet absolu
désarçonnant. Son uniforme vert
au fonds du sac en écho aux M16 que portaient en bandoulière la veille dans
les rues de Jérusalem de jeunes soldats convaincus de leur mission, non loin du « Western wall », mur infranchissable,
ce lieu sacré que tu ne comprends pas - faute de
foi. Tu crois pourtant à la chaleur quand elle n'est pas suffocante,
à ces plages le long desquelles tu t’exposes et mates le paysage luxuriant de
ces galbes avantageux, à ces ruelles et terrasses au décor si paisible (tu as
totalement oublié l’effroi que la visite de cette ville a pu susciter) mais leurs traces
éphémères ne peuvent constituer un projet structuré. Immergé
dans cette ambiance légère, presque artificielle, tu devines qu'un
jour, une boule de feu jaillira dans ce ciel faussement apaisé. Que ton âme finira par la rejoindre. Seul Dieu (s’il existe) pourrait dire où elle te mènera. Toi tu ne le
sais toujours pas.
Vers un contrôle du désir?
La présidence Sarkozy
annoncerait-elle une nouvelle ère judiciaire?
Avec la récente loi sur la rétention de sûreté (et sa rétroactivité
recherchée), le citoyen doit désormais s’improviser médium. Un nouvel adage lui
est imposé : "nul n’est censé ignorer la loi…future". Une bien
étrange conception de l’état de droit au delà du projet répressif lui-même
intenable et par ailleurs bien dangereux dans l’esprit qui l'entoure.
Parlons-en des pédophiles, ceux à qui s’adressent majoritairement ce texte
législatif . Le héraut de cette lutte menée en Belgique il y a dix ans durant
l’affaire Dutroux, qui fut l’avocat des parents de Julie et Mélissa, vient
d’être mis en examen pour détention d’images pédophiles, avec le retentissement
que l’on imagine. Les plus grands pourfendeurs d’une déviance ne
lutteraient-ils donc pas contre leur propre nature, leur engagement étant censé
répondre à un conflit interne intenable ?
Ces deux faits se rejoignent pour une réflexion quant à la volonté d’une
maîtrise sociale du désir.
Avant toute chose, on
peut regretter qu'un seul mot (pédophile) recouvre toute une panoplie de
situations foncièrement différentes. La désignation d'un tel vocable conduit de
nos jours son auteur à l’opprobre sans laisser de place à la nuance. Nous vilipendons
de la même manière une personne éprouvant un désir voyeur envers un mineur et
l’individu qui le (la) viole, voire l'assassine.
La justice dans sa pratique quotidienne tend heureusement à distinguer ces
différentes situations mais son application ne nous dispense pas de nous
interroger sur les questions sous-jacentes que la répression résolue de la
pédophilie interdit d’envisager.
Ainsi, une personne majeure (de 17 ou 18 ans) qui a une relation avec un(e) ado
de 14 ou 15 ans commet une infraction envers la loi sans que cela ne me semble
poser un réel problème d’un point de vue moral. L’âge est une donnée
généraliste du législateur visant à protéger le plus grand nombre mais parfois,
cette règle fige certaines réalités particulières.
Nous pouvons pousser cette interrogation plus en avant avec d'autres
situations.
Le passage à l'acte
avec un mineur est bien entendu la plupart du temps répréhensible dans la
mesure où l'adulte profite de la naïveté d'un enfant/ado ou joue sur son
autorité et/ou sa force pour parvenir à ses fins. Il peut cependant exister des
situations exceptionnelles plus complexes où certaines expériences
juridiquement pédophiles ont été totalement consenties, voire même désirées par
le jeune (j’en ai entendu pas mal autour de moi). Si la psychanalyse est
parvenue depuis Freud à démontrer l'existence d'une sexualité dès le plus jeune
âge, cette révélation a sans doute induit des manoeuvres de contrôle social de
ces pulsions immatures (cachant
parfois des désirs légitimes mais jugés pervers aux yeux des gardiens de
l’éducation) comme en atteste le peu de relais de cette réalité dans les
médias.
Autre catégorie faisant
l’objet d’une traque inlassable des autorités (et sans doute plus que n’importe
quelle autre grâce aux preuves technologiques sous-jacentes –compensant l’impossibilité
de mettre à mal les agressions domestiques bien plus nombreuses), les acheteurs
d'images pédophiles adoptent des comportement que nous pouvons juger moralement
et juridiquement condamnables dans la mesure où ils entretiennent l’offre (et
donc l’abus d’enfants). Mais quel avis poserions-nous si l’individu est possesseur
d'images glanées ça et là sans contrepartie financière?
Certaines
organisations ultra-catholiques ont tenté ces dernières années d’interdire des
œuvres d'art contemporain mettant en scène des enfants dans le plus simple
appareil, en affublant du terme de pédophile les organisateurs ou (dans une
explication plus mesurée) considérant les oeuvres comme une vitrine pour les
pédophiles. Derrière cette idée se cache l'idée fallacieuse (car niant
l'inconscient des individus) que c'est l’offre qui crée le désir des individus,
argument repris ailleurs pour vilipender toute expression de l'homosexualité
dans les médias. Soyons clairs, si pour quelqu’un de progressiste, la censure
d’œuvres (ou de média) n’est pas acceptable et à ce titre la vue d’un enfant nu
dans ce cadre ne peut être vu comme révulsant, il faut alors admettre que nous
ne pouvons pas contrôler les désirs. Rien ne pourra empêcher un individu
d’avoir un désir, qu’il soit homosexuel, fétichiste (lesquels ont été récemment
plus ou moins acceptés comme des comportements non déviants) ou zoophiles, pédophiles
(que nous considérons comme déviants, cette dernière étant même devenue la
perversion majuscule de notre temps).
Tout être humain
porte en lui des désirs déviants (ou leur germe). Pas seulement d’ordre sexuel
d'ailleurs, l’envie de meurtre qui nous a sans doute traversé l’esprit un jour
dans un moment de colère en est par exemple un autre. Dans ce dernier cas, nous
admettons aisément la frontière existant envers la tentation et la
matérialisation et il est communément admis que c'est une démarche raisonnée
qui nous empêche de passer de l’autre côté, celui de la transgression. Il en va
de même à mon sens pour les désirs sexuels. Prenons l’imagerie du sexe sans
capote, qui s'est considérablement accrue depuis l’émergence du sida devant la
prédominance du discours de prévention qui établi sans le vouloir le non-safe-sex comme
une forme de transgression. Certains passent à l’acte mentalement avec le
visionnage de films pornos bareback
(qui se sont d'ailleurs généralisés avec pour effet pervers que la
transgression est devenu la norme, avec le risque associé pour les acteurs et les
jeunes spectateurs en raison du relapse qu’il
peut favoriser), tout en veillant à contrôler leurs éventuels désirs de
relâchement dans la vie quotidienne devant le risque fait à soi ou à autrui
(dans le cas de la personne séropositive).
En somme, l’être humain dispose toujours d’une part consciente qui oriente au
final son comportement. Le risque qui pourrait se profiler à l’avenir serait de
condamner le désir par anticipation d’un quelconque acte en prétendant pouvoir
contrôler l’inconscient humain par la
répression alors que seul le comportement est à même de devoir être
judiciarisé.
C’est pourquoi à la question de savoir s'il faut condamner un pédophile qui
aurait conservé des photos d’enfants partiellement dénudés glanés ça et là sur internet,
à la télévision ou dans des magazines ordinaires, sans contribution au marché
économique, je répondrais par la négative.
Dans le prolongement
de cette idée, la loi sur la rétention de sûreté tout comme le projet de
contrôler les enfants dès 3 ans sont des tendances lourdes et dangereuses qui
font craindre un contrôle de l’esprit humain avec les dérives que cela
sous-tend : le projet mené à terme pourrait remettre en cause des acquis en
matière de liberté individuelle (et qui
sait de réactualiser la liste des désirs jugés déviants en y incluant par
exemple le désir homosexuel).
Vacances
Voici donc les vacances
terminées. Depuis mon retour, j'ai pensé n'avoir rien à écrire avant d'y songer
puis d'encore me raviser. Au fonds, en me rendant dans une même destination
pour un même profil de vacances, je pourrais faire appel à un simple
copier-coller des autres années. Et pourtant ce serait admettre qu'elles sont
répétitives, prévisibles, ce que je ne conçois pas comme tel. A chaque fois la
tonalité du vécu diffère. Les habitudes se modifient en fonction des
circonstances (la chambre occupée, l'état d'esprit, le temps, les événements -
comme la période de carnaval cette année et tous ces jeunes canariens
incroyablement beaux circulant dans les rues) et bien sûr les rencontres.
Libidineuses forcément à
GC. Certains additionnent jusqu'à trois ou quatre mecs par jour. Conscients de
cette réalité, j'ai affirmé à L. au début de séjour (uniquement sous le ton de
plaisanterie?) que nous ne reviendrons plus à GC le jour où nous nous
chopperions une chaude pisse. Loin de moi, les objectifs chiffrés de mes
congénères, prime plutôt une exigence pseudo-qualitative (croire maîtriser tous
les critères théoriques de l’homme idéal reste une chimère). Cette année, il y
eut au moins de la nouveauté. Jamais nous n’avions baisé avec un anglais.
Heureusement, ce ne fut pas le genre oxfordien, au langage policé et à l'allure
pincée mais le sexy lad avec sa grosse chaîne autour du cou, buvant de la
bière, un brin vulgaire (mais pas trop tout de même). Deux jours plus tard, dans
l'effervescence d'un samedi dense, nous nous sommes retrouvés avec trois autres
garçons sans l'avoir cherché, dans un élan presque naturel, un déroulement pas
glauque le moins du monde, s'éprouvant même comme la réalisation d'un fantasme que
la raison en d'autres temps aurait repoussé.
Et puis il y a les autres.
Laurent, par exemple, avec qui nous avons dragouillé au début du séjour, avant
de nous rendre compte qu'il était en couple. L'entrée en scène de sa moitié m'a
échaudé, ne m'empêchant pas de converser ou danser en leur compagnie mais en
veillant à refermer à temps la porte car non, ça n'allait pas la faire. Les
gens ne le comprennent parfois que trop tard et peu parviennent à ne pas en
tenir rigueur. Durant la suite de la semaine, Laurent, magnanime, s'est échiné
à expliquer sa joie de nous avoir rencontrés, à créer des liens ignorant
superbement le message non verbal de son conjoint. Les promesses de maintien
d'un contact ont été répétées, reportées jusqu'à la soirée finale lors de
laquelle il m'explique qu'il s'en va sans état d'âme. Un discours en anti-thèse
du mien. Moi avec des pincements au cœur face aux souvenirs, ceux-là même qui servent ou serviront de baume au
vieillissement, qui donnent sens par la matérialisation consciente du
mouvement, de la participation à une aventure commune par opposition aux
langueurs éternelles et sans mémoire du repos final. Des souvenirs qui
dépassent ma propre personne en incluant d'autres figures. Me rappeler de leur
présence, c'est leur offrir une place dans la dynamique existentielle, c'est
les substantialiser par delà
l'effervescence de la foule dans laquelle nous semblons noyés. En renonçant aux
souvenirs, Laurent m'a exclu de sa mémoire, a nié la réalité signifiante de mon
existence. Nous nous sommes finalement quittés sans échanger une quelconque
coordonnée. Rideau, enfin pout moi souple et léger, volontiers entrouvert,
connecté avec les ombres tapies derrière le décor – j’ai vécu donc j’existe.
Une vie antérieure part 19 : « Une déclaration »
J’aurais pu fuir, nier, m’indigner, j’ai juste failli pleurer. Je ne pouvais y échapper. Je lui fais penser à son meilleur ami, ce n’est donc pas si grave. J’ai cherché du réconfort dans ses yeux pour apaiser mes craintes face au monde inconnu qui devrait tôt ou tard s’ouvrir à moi.
Il
fait doux comme septembre nous le réserve dans ses meilleurs intentions. Rien
ne laisse transparaître le souffle tourbillonnant autour de nous, ni moins
encore présager la bourrasque qui va s’abattre sur moi. Stef a interrompu notre
conversation et me conduit en marge de mes camarades. Postée face à moi, elle me
regarde fixement dans les yeux et m’adresse cette phrase dont les mots vont
rapidement s’entrechoquer dans ma tête: « je me suis demandée si tu n'étais pas homo…».
Je
ne sais pas ce qui m’a poussé à lui dire oui, ou plutôt je le sais trop bien.
Ce désir pour les garçons, cette tentation qui court depuis des années.
Intermittente mais régulière et qui s’est réveillée pas plus tard qu’en début
de soirée, lors de mon match.
Le plus troublant reste toutefois à venir. Les vestiaires ne comptent qu’une seule rangée de douche pour les deux équipes, l’équipe visitée laissant le soin aux visiteurs de les y précéder. Je me suis rhabillé et me poste devant le miroir pour me recoiffer. Par l’entrebâillement de la porte, j’aperçois deux à trois joueurs de l’équipe adverse. Pas encore mon adversaire direct mais tout de même un de ses coéquipiers, mignon et au corps finement musclé. Je n’ai pas le temps de réaliser l’excitation qu’il me procure que le jeune garçon au bouc vient prendre place à son tour dans les douches. Ces deux garçons au physique parfait me font tourner la tête. Je dois pourtant rester vigilant face à mes coéquipiers qui pourraient me repérer. Je ne peux détourner mes yeux devant le spectacle offert, ces mains qui répandent le savon sur leur corps et leur queue fièrement exhibés. Je voudrais les rejoindre, partager ce moment définitivement érotique. L’échange est bien entendu impossible, il ne reste en ce lieu que mon désir voyeur face à ces corps séduisants et au final un caractère inassouvi.
Le
fantasme du début de soirée s’est produit seulement 6 ou 7 heures plus tôt.
L’évidence ne pouvait être masquée. La concomitance de ces deux réalités
rendait impossible leur déconnexion. Stef a enfin annexé une légende à mon
désir.
L'impasse
L’humeur gaie, le ton
ironique, la phrase assassine dans un propos facétieux…
Sors de ces mots, tu es en train de
rêver.
Je peine à écrire en ce
moment. Je voudrais me montrer davantage tel que je le suis au quotidien, introduire
plus de légèreté autant dans la forme que dans le fonds. Mais il semble que
l'écriture chez moi soit seulement associée à une face de ma personnalité, la
partie contestatrice, réflexive, un brin déprimée. En ce moment, je ne voudrais
pas me lire, dès lors je m'abstiens ou relance d'anciens chantiers. Peut-être
règne-t-il une fin de parcours autour de cette expérience virtuelle et je la suscite
à force de ne plus entretenir le moindre contact direct. Je suis absorbé par un
quotidien qui me réserve pourtant autant de temps libres qu'auparavant, quasi
autant d'états d'âme et de tristesse aussi.
Probablement manque-t-il
l'aventure pour conter des événements notables.
Sans doute parviens-je à engloutir mes peines dans l'espoir d'un lendemain
réparateur (et ça marche plutôt bien – certains jours, je pleurerais
volontiers, sans raison mais je n'y réussis pas et le lendemain, mon coeur
semble avoir oublié la raison de cette brisure passagère).
Prendre distance avec ce
blog me confronte en tout cas plus crûment à l'absence de créativité et cette
vérité me pèse encore et toujours. Je demeure persuadé que je ne profite pas de
l'énergie motrice de mon âge et que je vais finir par le regretter. C'est une
ritournelle sans fin, qui ne mérite pas de commentaire - au fonds je dois m'en
prendre à moi-même.
Il me suffit de fermer les
yeux. Demain est un autre jour. Même s'il sera peut-être trop tard...
Est-il possible de rester soi au travail?
J’ai lu récemment
un article relatant la manière avec laquelle les entreprises essaient de
modeler l’esprit de leurs employés afin qu’ils se conforment à leur philosophie.
Plus on confie des responsabilités importantes à un cadre, plus ce dernier sera
soumis à une pression (implicite et explicite) pour adapter son comportement, sa
sensibilité au goût de l’esprit d’entreprise.
Le management tend par exemple à bannir toute émotion dans les réactions des
gens. Certes, il est nécessaire de pouvoir empêcher l’esprit d’être l’otage d’un
trop plein récurrent d’émotions (quand celles-ci prennent définitivement le pas
sur la réflexion, il devient difficile de pouvoir travailler et de collaborer).
Néanmoins, en tant qu’être humain, il me paraît logique de pouvoir exprimer ses
sentiments sous peine d’exploser à un moment ou l’autre.
A côté de ce
conditionnement - réalisé au travers de formations ou des remarques de ses
supérieurs, il est une autre vérité que l’on tait peut-être davantage.
Quiconque ayant évolué dans des environnements où plusieurs nationalités
coexistent pourra affirmer qu’il est parfois difficile de se comprendre. La signification
de certains mots peut avoir une consonance, une interprétation différente selon
les cultures et déboucher sur des problèmes ultérieurs. Cette variable s’exprime
également dans la façon même de travailler, collaborer, interagir. La culture
impulse une manière spécifique d’être, de penser et de se comporter.
J’ai ainsi pu l’observer – à mes dépens - cette semaine au travail, lors de
quelques altercations avec mon chef néerlandophone. Pour faire court, dès que
j’expose un problème (tel que la
difficulté de travailler avec un tel service), que j’exprime une réflexion sur
une situation et m’interroge sur une attitude à adopter qui respecte l’esprit
d’une bonne collaboration, j’ai droit à des réactions qui nient mon mode de
pensée, la façon dont je la structure en fonction de ma personnalité et de la
culture dans laquelle j’ai été éduquée. Nous plongeons alors dans des
discussions inintelligibles dans la mesure où nous n’évoluons pas dans le même
registre. Nous parlons dans la même langue mais ne parlons pas la même langue.
Dans la
tradition française, nous avons besoin de discuter, pour socialiser, d’exposer
nos réflexions, voire nos sentiments et états d’âme (ce qui n’est pas un
problème si cela n’influe pas sur le travail final ou n’empêche pas d’avancer quant
à la prise de décision). Nous dissertons sur la méthode, nous intellectualisons
le monde en mouvement autour de nous et les stratégies individuelles ou en
groupe qui s’y déploient. De cette manière, nous raisonnons nos propres
sentiments plutôt que de les enfouir. Nous les confrontons avec la réalité sans
vouloir absolument les abolir.
Le modèle
calviniste, prédominant au Nord de la Belgique, se révèle quant à lui plus
direct, plus pragmatique (un mot
qu’ils chérissent). Il ne s’agit pas de s’encombrer de détours,
d’interrogations jugées futiles, il faut aller droit au but – dans une forme
brute parfois grossière selon nos propres critères -avec souvent une absence
totale de psychologie et qui se double d’un sentiment irréductible de posséder
LA vérité (l’empathie ne peut faire ombrage à l’efficience).
Cette
opposition culturelle surgit dans d’autres domaines lors de nos discussions.
Ainsi mon chef estime-t-il que l’on devrait être moins exigeant sur les fautes
d’orthographes tant que la compréhension existe. Réflexion qui mettrait Finkielkraut en rogne
(lui qui en parle comme une preuve de dé-civilisation) et pour une fois je
serais avec d’accord avec lui. C’est un principe qui dépasse la question pure
du respect de la langue et déborde sur la possibilité d’interroger le monde et de
conserver la nuance face aux modèles qui paraissent évidents et s’imposent dans
l’urgence imprimée par notre société moderne, notamment dans le cas présent le
travail et l’efficacité façonnés aux lois du modèle néo-libéral sans
questionnement sur l’organisation sous-jacente, ni la finalité pour l’individu.
D’autres
exemples pourraient être choisis à foison, comme cette autre collègue
néerlandophone dont la première réflexion à propos de son stage étudiant Erasmus
en Espagne a été de considérer les espagnols comme des fainéants…
A l’heure où
les difficultés pour pérenniser la Belgique fédérale demeurent, je dois constater la profonde différence
entre deux cultures en cohabitation et reconnaître combien nous, francophones
de Belgique, sommes proches de la culture française et quel fossé nous sépare
parfois, souvent, trop souvent de nos voisins néerlandophones.
Je ne voudrais pas pour autant en tirer des conclusions politiques. Le développement
du monde actuel et à venir passe par la coexistence de cultures dans un
même espace. Et la recherche d’une harmonie dans ce métissage devrait nous
rappeler qu’il ne pourrait être question d’affirmer à la face de l’autre à tout
moment la supériorité de la sienne.