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Mo's blog
10 octobre 2007

Une vie antérieure part 15 : "There is a light that never goes out"

viavant15

Le poignet fracturé après un accident de circulation (cfr. épisode 14) ne pouvait pas rester sans le moindre effet sur l’orientation de mon parcours au demeurant bien incertain. Il infléchit définitivement mon rapport au basket. Le sort s’est acharné sur moi depuis deux saisons et cette absence loin des terrains n’a pas créé de manque, elle me soulage presque. Elle m'épargne la lutte intense pour s'imposer au sein de l'équipe dans un climat de concurrence rarement aussi aiguisé où les grandes gueules profitent de la bonté du nouvel entraîneur pour imposer leurs exigences en matière de temps de jeu. Bien trop timide, je reste étranger à ces jeux de pouvoir. Je manque de cette expérience de la vie (professionnelle ?) pour oser taper du poing sur la table. Dès mon retour sur les parquets, j’encaisse les coups bas, je rumine ma frustration, je m’agresse intérieurement à petits feux en laissant la rage se répandre dans les moindres strates de mon organisme (une autre forme de blessure qui s’annonce) sans jamais pouvoir la libérer au grand jour. Le point de non-retour sera tout de même atteint en fin de saison lors d'une ultime vexation qui m'incite à rendre mon maillot en cours même de match.

Le changement d’entraîneur la saison suivante m'importe peu. La déception a creusé un sillon si profond dans le coeur de ma motivation que seuls les désagréments émergent au simple prononcé du mot "basket" : un stress de plus en plus indésirable et un accaparement de mes loisirs bien trop important. Certes je n'occupe pas mes heures libres de manière optimale mais je veux laisser affleurer de nouvelles sensations d'où pourra surgir, qui sait, une réorientation de mon quotidien.
Je ne veux cependant abandonner le sport et la solution de jouer avec l’équipe réserve, moins exigeante en terme d'entraînement, s'impose comme un compromis idéal. Libéré de la peur de mal faire, j'y retrouve le plaisir du jeu. J'assume le rôle de meneur de l’équipe et cette position correspond décidément mieux à ma personnalité, dont l'orgueil demeure l'ultime vestige de mon statut de petit prince désormais déchu. A deux occasions, je rejoins l’équipe première pour lui apporter un coup de main momentané mais le lien s'est manifestement brisé sur le plan mental. Dans une conclusion-couperet, je réalise que ma réussite dans le domaine sportif se heurtera toujours à un trop-plein de réflexion et de doute.

Cette prise de conscience et les mesures entreprises me déchargent des pressions énormes que je m’étais imposées. Un vent de légèreté et d'optimisme peut enfin flotter autour de moi. Je m'abandonne même à la séduction des signes positifs du destin. Ma récente blessure au poignet s'est terminé en simple péripétie malencontreuse si l'on songe que quelques mois plus tard la circulation sur la chaussée, théâtre de l'accident, s'est ouverte au double sens. Transportée à cette période, le choc frontal avec la carrosserie du véhicule aurait pu sceller mon histoire.

La révolution en marche n’est encore qu’intérieure mais elle s’alimente de sons et arrangements inédits. Je redécouvre une passion pour la musique que j'avais laissée, au fil des ans, dans une impasse commerciale. La finesse du songwriting devient source de nouveaux étonnements. Je me décide enfin à acheter un lecteur de CD et l'inaugure par la douceur mélancolique du « Automatic For The People » de REM.
Pendant les vacances d’été familiales en France, je m'arrête devant un panneau illustrant la une d'un magazine que je ne connais pas. Une ambiance bleutée sur laquelle s'affiche en gros plan le joli visage de Damon Albarn. La bagarre Blur-Oasis fait alors rage et entre les deux bends, je me suis rapidement positionné pour le premier nommé. Je fonce acheter un exemplaire de ce magazine dont je découvre le nom : Les Inrockuptibles.

Je découvre une écriture littéraire soignée, un enthousiasme communicatif pour les artistes défendus. Les articles de fonds défient les apparats de la dite-normalité en explorant les marges. Une bouffée d’oxygène intelligente et digeste que je vais rapidement adopter. Au cours des mois qui suivent, Les Inrocks deviennent ma bible musicale. J'y puise le catalogue des artistes en vogue et, entre les lignes, une approche des fondements d'une critique pointue.
Dans la recherche visant à combler mon retard musical, je finis par m'intéresser à un de leur artiste fétiche, Morrissey et les Smiths. Une rencontre dont les secousses de l’onde de choc se déploieront durablement. Ces textes, cette voix, ces arrangements m'emportent dans un typhon « made in England ». Je me sens moins seul, un ami partage enfin mes interrogations, mon désarroi. Sous la douceur du timbre de Mo', je disparais de ma triste ville de province ou mon environnement sportif pour approcher quelque contrée vaporeuse entre le ciel et les bords de la Tamise. Je me découvre même une nouvelle patrie de coeur, par-delà la Manche. Un autre monde, un autre territoire, une autre vie semble soudain possible.
There is a light that never goes out.

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P
Take me out tonight where there's people who are young and alive<br /> <br /> I never never want to go home because it's not my home it's their home and I'm welcom no more
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