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Mo's blog
15 octobre 2007

Une nuit d'octobre bruxellois

Ce samedi, j'effectue ma première sortie gay nocturne depuis plus d'un mois. L'été indien a ses vertus: nous sommes mi-octobre et la température clémente autorise les couche-tard à se réunir sans crainte à l'extérieur des bars et éviter la chaleur suffocante des espaces intérieurs compressés.
L'arrivée à proximité du lieu sur lequel nous avons jeté notre dévolu pour entamer la soirée constitue un moment fondamental. La réaction du public déjà présent est censé refléter l'attrait que nous pouvons encore susciter. Les regards qui se portent sur nous (et finalement peu importe qu'ils traduisent du désir) viennent confirmer notre existence, ne serait-ce que momentanée, au sein de leur univers personnel.
Autrefois, lors de mes premiers pas dans le milieu, ces yeux rivés sur moi me gênaient terriblement. Je ne pouvais soutenir ces regards et me sentais épié lors du moindre de mes déplacements, paralysé par ces faisceaux invisibles convergeant vers ma frêle personne.
Si la sortie ne s'assimilait qu'à une démarche de réassurance, je me baladerais de bar en bar rien que pour observer la réaction d'autrui. Mes inquiétudes narcissiques présentent bien heureusement certaines limites.

Sur le trottoir, L. et moi entretenons une conversation en compagnie de deux amis. Avec le premier, D., aperçu pour la première fois en ce même lieu il y a un peu plus d'un an, nous n'avons pas cherché à cumuler les statuts (d'ex-amant par exemple) bien qu'il soit indéniablement mignon. Sa sagesse apparente n'a peut-être pas réveillé d'instinct plus animal en nous et c'est finalement très bien ainsi. Le second, F., ami de longue date de L., est un étrange boute-en-train tout en dualité. Aspirant snob depuis son plus jeune âge, il rêve du faste de la grande bourgeoisie friquée tout en se fondant sans le moindre problème dans les milieux gay plus populaires où il déniche avec une rare constance le partenaire sexuel de son choix. Le récit de ses différentes aventures se transforme en sketch digne d'un théâtre de boulevard. Je ne peux m'empêcher de repenser à l'évocation de ce lit cassé par la fougue d'un amant polonais réveillant F. à plusieurs reprises au cours de la nuit et lui susurrant d'un accent germanique romantique les mots essentiels "gel" et "capote".

Autour de nous, je reconnais ça et là des profils internet jusqu'alors seulement virtuels. Rien de bien attirant ne vient troubler mon attention. Il y a bien ce jeune mec toujours aussi mignon mais dont un chat avait dévoilé trop de paraître et de perversité dans le jeu, calmant illico mes ardeurs. 

Si l'envie sexuelle n'a en soi pas disparu, le désir semble avoir pris une pause. Derrière la simplicité apparente d'un acte sexuel se cache pour moi une montagne d'enjeux à relever. A côté de la peur de maladie qui ne disparaît jamais vraiment, d’autres craintes viennent bousculer ma fragile sérénité : celle de ne pas plaire dans un premier temps, de plaire moins que L. ensuite et enfin de ne pas assurer l'attente sexuelle du partenaire. Je concède qu'il faut une fameuse dose de confiance en soi et de désinvolture pour s'embarquer dans cette aventure révélant à son climax la puissance absolue du partage des corps et des émotions. L'un ne va pas sans l'autre, contre-pied exigeant face à la magie d'un instant. La réussite d'un tour impose une discipline et une préparation sans faille, d'une durée inversement proportionnelle à la rapidité avec laquelle se perd cette maîtrise.

Au bout d'une heure et demi, nous décidons de changer de lieu et de nous rendre vers un autre bar. Le monde nous y a cependant précédé et nous oblige à changer nos plans. F. nous soumet une autre idée : un bar étiqueté cuir mais avant tout un bar à dark-rooms. Bien qu'il s'agisse d'une institution bruxelloise, jamais encore je ne m'y étais rendu en 10 ans. Depuis mes vacances aux Canaries, l'idée de fréquenter un tel lieu ne me rebute plus. Je n'éprouve d'ailleurs aucune gêne en débarquant dans cet intérieur sombre, définitivement ancré dans le passé, celui des bars discrets, coupés de l'extérieur et capable de distiller une toute autre atmosphère une fois la porte passée. Au rez, dans une configuration de bar classique, nous buvons le verre de trop pour D. qui n'a visiblement pas supporté l'alcool de ses consommations antérieures. L. et moi visitons les étages plus ludiques. La seule surprise réelle réside dans ces glory holes bien visibles, plus drôles que réellement excitants à mon goût. Parmi la foule, seuls deux jeunes mignons pourraient aiguiser mes sens mais nous les avons déjà connu intimement par le passé (et comme nous ne nous répétons pas), nouvel exemple de l'étroitesse du milieu bruxellois qui nous ramène ostensiblement vers les mêmes têtes.

Je parcours les allées d'un oeil plus observateur qu'intéressé. Le parfum sexuel peut flotter autour de moi, je ne le perçois pas. Seule une question finit par s'imprimer en moi. Cette distance face au désir ouvre-t-elle la voie à une sagesse nouvelle dont la prédominance me sera plus qu'utile au fil des années ou traduit-elle le triste constat d'un comportement blasé, rétif à tout défi que m'autorise pourtant encore mon jeune âge? 

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