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Mo's blog
6 octobre 2007

Des murs et des portes

Des murs et des portes. La vie pourrait se résumer à cette formule binaire lors de chaque événement au devant duquel nous nous présentons.
Des murs auxquels nous nous heurtons frontalement avec une intensité plus ou moins appuyée sans nous empêcher forcément de mener une existence normale, notre carapace psychologique étant sans aucun doute bien plus solide que notre enveloppe corporelle en cas de pareille confrontation. Nous encaissons les coups, buttons sur cette surface rugueuse avant de parvenir à ouvrir une porte débouchant sur de nouveaux horizons.

Des portes qui nous paraissent parfois invisibles ou inatteignables et dont l'accession revêt parfois du miracle, révélant en nous des réserves insoupçonnées de nature à transformer la vision de notre quotidien.

Face à l'accumulation de problèmes, sous le ciel assombri d'une traversée du désert surgit parfois la lumière. La torche est parfois portée par un quidam dont la rencontre impromptue vient miraculeusement éclairer le chemin pour émerger de notre labyrinthe mental. Mais la lueur peut jaillir aussi d'une étincelle interne ouvrant la voie à une perception modifiée de notre propre condition.

Mon exemple le plus frappant - avant celui sur lequel je vais revenir - remonte à une trentaine de mois lors de ce terrible épisode où j'ai craint une possible infection hiv. J'avais pris ce traitement d'urgence dont les effets secondaires venaient sans cesse me rappeler les affres de la situation que j'aurais à endurer en cas de contamination. Je m'étais enfermé dans une muraille intérieure pour survivre. Je ne pouvais affronter l’environnement extérieur au quotidien, qui négligeait le drame en action (inévitable à mes yeux malgré le risque statistiquement faible). Les livres ont constitué ma balise de secours. Trois semaines après les événements - et alors qu'il me restait une semaine d'attente avant les premiers résultats, l'apaisement intérieur m'est apparu au fil de la lecture d'un roman. Une pensée positive, réconfortante, remplie de sagesse s'est mis à inonder mon corps et m’a rendu la vie extérieure plus tolérable. Ce moment n'a pas évacué le stress durant les heures précédant le verdict mais j'étais parvenu à réconcilier mon âme avec le goût de l'existence avant même le soulagement apporté par la science.

Dans le marasme qui a dominé mon mois de septembre, mes problèmes dentaires ont constitué particulièrement un moment difficile à supporter. En prime, les événements post-opératoires sont venus ouvrir une brèche supplémentaire dans mon armure liquéfiée sous la forme de difficultés de coagulation qui, en regard de ceux connus par mon cousin ensuite décédé d'une leucémie, ont agité le spectre de la maladie. Pour évacuer cette peur, seule une prise de sang pouvait soulager mon esprit. L'attente des résultats même courte paraît toujours trop longue. J'ai imaginé devoir rejoindre illico la chambre stérile d'un hôpital, quitter mon chez-moi, ma vie, mon amour dans un cauchemar insupportable. Mais au milieu de ces idées sombres, j'ai pu envisager un détour, un autre avenir.

Une phobie s'inscrit dans le terreau d'angoisses plus générales (cette fois, le doute sur mon apparence physique, sur mes capacités à affronter le changement, à retrouver le goût de la vie quotidienne bruxelloise). Engagée dans un processus inflationniste, la peur se répand à tous les secteurs de la vie et transforme le moindre événement défavorable en malaise révélateur d'une catastrophe en germe.
Pour enrayer le mécanisme, il fallait s'attaquer à la source et puiser le remède de survie qui apaise l'angoisse originelle, cette inquiétude sur mon paraître face aux ennuis dentaires et plus généralement l'usure du temps. Et un changement mineur peut parfois suffire pour rebondir.

J'avais envisagé de me couper les cheveux très courts en cas d'extraction de dents. Privé d'une partie de moi, je devais avaliser de manière nette un changement aux yeux du monde, me donner un air plus dur qui corresponde à l'état de mon âme. Cette hypothèse étant pour l'instant effacée, je ne pouvais l'utiliser pour d'autres buts. L'idée d'envisager son contraire s'est alors imposée. Laisser les cheveux repousser, proliférer anarchiquement, se déstructurer. Renoncer à une coiffure nette, une image d'ordre, de perfection à laquelle je ne peux plus aspirer au fils des années. J'ai renoncé à mon rendez-vous chez le coiffeur et me suis mis à envisager un nouveau départ. Les résultats de la prise de sang me pendaient encore au nez mais j'avais fait reculer ma phobie et je pouvais imaginer à nouveau des activités au-delà de cette date. J'appellerais mon docteur dans la confirmation de mon bon état de santé et non dans le miracle d'avoir échappé au pire. Qui n’est par ailleurs pas arrivé.

Je conserve pour l'instant mes cheveux plus longs. Je ne sais pas si cela sera une réussite. Qu'importe, cette décision m'aura au moins relancé. Et en parfait symbole de ma génération consommatrice, je subodore qu'une petite séance de shopping me remettra définitivement sur rail.

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Commentaires
M
L'être et le paraître, et des ressources inépuisables vers l'optimisme, s'accepter pour finalement oublier le paraître. J'aime bien ton billet orienté optimiste et réaliste.
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