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Mo's blog
8 mai 2006

Petites morts

Plusieurs événements de ces derniers jours sont venus conjointement me le rappeler. Les petites morts rôdent à chaque point de fuite de notre existence. 

Ce week-end, nous avons fait nos adieux à notre ancienne salle de bain. Son manque de place, sa configuration maladroite, sa baignoire trop exigue réclamaient depuis notre arrivée une rénovation inéluctable.
Nous avons déménagé nos affaires et décollé les posters dans les toilettes. Exit le flyer d’une soirée d'Ibiza, du beau Popov pour H & M, l'affiche Pierre et Gilles du film « Presque Rien » ou encore le photo-montage « Madonna en concert » de Gursky.
Il m'a fallu des années pour le voir pleurer et là soudain je surprends L. la larme à l'oeil pendant qu’il décroche les posters. «On devient vieux et bourgeois » me dit-il, triste. Je comprends la signification de ces mots, sans les partager. Il s’agissait de la dernière pièce vraiment bordélique chez nous. Nous avions provisoirement arrangé l'endroit de manière un peu cheap, avec des affiches qui confortaient quelque peu notre côté post-ado et maintenaient une proximité de style avec certains de nos amis, voire de nos amants. En modernisant la salle de bain, soudain, « la bohème, ça ne veut plus rien dire du tout ». Les derniers vestiges de notre jeunesse s'effacent.
Nous n’avons d‘ailleurs pas lésiné sur l'ampleur du changement. Alors que les autres aménagements ont été réalisés à des coûts raisonnables (toujours dans un souci esthétique), nous nous sommes engagés dans un projet de rénovation de près de 25.000 EUR - qui comprend, il est vrai, l'abattage de murs pour mieux intégrer la salle de bain dans le prolongement de la chambre et d’ainsi mieux exploiter son espace limité (6 m² seulement...). Un éclair de folie autorisé par le recours à l’emprunt mais qui laisse naturellement peu de place pour mettre en vitrine les pectos d’un nageur russe...
Au delà de l'investissement de l'opération, j’y vois finalement une opportunité de se faire vraiment plaisir au sein de cet appart. Une vision bourgeoise et un peu vaine, certes, mais qui ne conduit pas à la fin d'un monde, l’essentiel demeurant la fraîcheur de son état d’esprit.

Ces travaux vont perturber nos habitudes. Obligés de quitter la chambre, nous avons dû nous s'installer dans l'étage du bas, bien moins lumineux et plus bruyant (la pièce donne sur la rue). J’éprouve une certaine angoisse à dormir dans ce nouvel endroit. Peur d'être réveillé la nuit et de ne plus pouvoir dormir ou de ranimer des cauchemars nocturnes (le confort d’une chambre à coucher, c'est aussi la sécurité qu’elle transmet, avec ses nouveaux repères ; vu mon passé somnanbulique, le défi est de taille).

Je dois en outre faire face à ces changements en l’absence de L. durant les premières nuits.
Je ne me rappelle plus une durée aussi longue sans nous voir. 5 jours, c'est plus qu’une simple distraction (ah bon, tu n’étais pas là pendant ces 2 jours?) et trop peu que pour réorganiser sa vie comme un célibataire (on voit nos amis ensemble dans 85 à 90% des cas). Certes, des ami(e)s m'ont déjà invité pour combler mes carences en cuisine (cuire quelque chose, moi ?). Mais il n’empêche, le côté solitaire se mue trop rapidement en solitude lors de son absence.

Nous avons cherché à minimiser ce sentiment en exploitant au maximum la journée du samedi. Après le déménagement, nous avons longuement profité du bien-être d’une terrasse en centre-ville. Nous avons reparlé des changements induits par les travaux, discuté (enfin) de Julio qui, le week-end passé, a incarné le type d'aventure sexuelle complète comme il en existe une fois par an. Afin de nourrir le chat de sa s
œur, nous avons traversé tout le centre nerveux de Bruxelles, de la partie plus « gay » à la plus « straight » selon le côté du Boulevard Anspach emprunté. Il faisait bon vivre ce samedi soir à Bruxelles, resplendissant avec cette pléthore de terrasses bondées qui évoquaient l’ambiances de villes latines. Nous avons parcouru ces rues dans l'innocence de touristes qui découvrent la ville pour la première fois. Cet esprit que nous avions peur de perdre quelques heures plus tôt était en quelque sorte déjà ranimé.

Dimanche matin, très tôt, L. est parti. Je me suis senti un peu abandonné, un peu perdu quand bien même nous ne vivons pas l'un sur l'autre à la maison. Ce n'est pas seulement une présence qui fait défaut mais également cette force qui oeuvre de l'un à l'autre, qui permet d’avancer, décidé, dans la vie. Dans ces moments-là, je ne parviens à éluder l’hypothèse qu’il ne puisse plus revenir. J’imagine une vie sans lui ou plutôt non je ne l’imagine pas.

En soirée, je me suis rendu chez une amie pour dîner. Un agréable moment à deux, comme nous n'en avions plus eu depuis des années.
A mon retour, je constate sur msn un message laissé par un ami récent, ancien amant, dont nous étions sans nouvelle depuis quelques temps. Cette phrase sibylline crée en moi un malaise immédiat :« Je devrais vous parler d'un truc mais je ne sais pas si c'est indiqué sur le net". Il n’est plus en ligne. Je tente de l'appeler mais il ne répond pas. Je vais me coucher avec en tête cet mots qui me hantent. Je me sens mal à l'aise dans cette chambre improvisée. Je vois des flashs de lumière traverser la pièce à chaque passage du tram, dans une atmosphère qui me rappelle trop Eraserhead. Je dors peu et mal.

Ce lundi matin, je tente de contacter à nouveau cet ami. Il décroche. Il m’annonce qu'il ne peut rien me dire sous peine de craquer. Je le pousse à lâcher l’information. Il prononce deux, trois mots. Il tombe en pleurs. J'en étais intimement persuadé. Je suis effondré. 23 ans et désormais séropo. Life is a bitch.

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Commentaires
M
Comparée à beaucoup ma vie est un dessert. Un désert sans toi et quelques autres.
P
Cliché(s)
M
:(
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