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Mo's blog
28 novembre 2005

Ritournelle

« Loveball ». Un nom qui évoque une partouze géante bien qu’il s’agisse avant tout d’un « événement gay européen » (sic): le plein de soirées ininterrompues durant 3 jours dans une ville européenne, différente chaque année. Cette fois, c’est Bruxelles qui endosse l’habit d’hôte. Pour accueillir une foule nombreuse lors de la soirée du samedi soir, les organisateurs ont jeté leur dévolu sur un endroit quelque peu décentré. Une ancienne brasserie transformée en un hangar géant pouvant accueillir jusqu’à 6.000 personnes. De la place donc mais aussi rapidement une sensation de vide quand l’endroit n’est pas rempli. Les organisateurs de la soirée officielle de la Gay Pride doivent encore se souvenir du flop il y a un an et demi.

La curiosité pousse à nous y rendre ce samedi soir. En me préparant, je me sens un peu stressé, sans raison évidente. Après tout, je ne dois même pas craindre de ne pas plaire depuis que j’ai opté pour la sagesse à propos de nos escapades sexuelles. Je suis conscient que L. ne partage pas mon point de vue. Même si le sujet n’est pas tombé sur la table récemment, il ne pourra rester au placard éternellement. J’émets moi-même certains doutes quant au respect de cette ligne de conduite. Je profite réellement de la tranquillité détachée de tout souci de maladie mais je dois bien concéder que ma vie quotidienne a une furieuse tendance à manquer de piment pour l’instant. Pourquoi donc ne parviens-je pas à me satisfaire des petits plaisirs d’une bonne soirée entre amis, de la vision d’un film plaisant? Je partage avec L. ce besoin de vivre des moments dits intenses. Comme un lapin sorti du chapeau, ceux-ci peuvent surgir d’un événement de la vie quotidienne mais la magie n’opère que peu souvent. Trop peu souvent…

Si je devais prendre l’initiative de réveiller quelques sensations fortes, je reprendrais rapidement le chemin de la drague et du sexe. Y replonger signifierait sans doute une concession à la facilité mais s’en écarter ne constitue-t-il pas une réponse hâtive et démesurée au problème ? La question de la pondération du risque s’impose à nouveau : le jeu n’en vaut-il pas la chandelle? Rien de tranché pour l’heure, je repousse la question à une date ultérieure. D’ailleurs, question timing, il est temps de partir si nous voulons profiter du « free pass ».

Nous pénétrons dans l’enceinte principale. Bon nombre de gens attendent le début des festivités. Nous ne sommes pas les seuls à avoir bénéficié du privilège de la gratuité. La salle n’est pas encore accessible en totalité, des rideaux d’une hauteur insensée la coupe en deux. Le bruit sourd d’une musique lointaine s’échappe avec peine de la partie fermée au public.

Les gens s’amassent progressivement dans cet espace confiné bien qu’aéré, qui me donne une désagréable impression d’être mis en cage. J’observe les conduits d’aération, j’imagine un gaz indolore en sortir, j’échafaude l’hypothèse d’un traquenard dont la trame rappelle une page d’histoire de sinistre mémoire. Avec un certain soulagement, j’assiste à l’ouverture des rideaux qui dissémine la foule dans un élan de liberté retrouvée.

La salle se remplit rapidement. La place ne manque pas pour danser. Tant mieux, j’aime profiter de larges espaces pour me déployer dans un style plus chaloupé.  Chaque heure, un nouveau DJ prend les manettes de la sono. Un concept qui peut nuire à une certaine unité mais limiter aussi les dégâts d’un set banal. Je m’ennuie ferme entre 1 et 2…

Si beaucoup de monde a répondu présent, aucun de nos amis n’a rallié la soirée, juste quelques connaissances.

L’une d’elles vient nous saluer. Ce matin, ce beau garçon m’a avoué sur msn qu’il était amoureux depuis 7 ans d’un de nos amis G., qu’il aurait ressenti une ouverture il y a un an quand G. était séparé de son copain (avant de recoller les morceaux quelques temps après). 7 ans !? Comment peut-on vivre avec un tel état d’esprit sans même être sorti avec cette personne ? Mon jugement paraîtra peut-être péremptoire mais j’y déniche une forme d’immaturité intellectuelle et émotionnelle. Certains seront condamnés au célibat j’en suis persuadé.

Pendant qu’il me parle, j’observe son  « ex » (leur histoire vient de se terminer après 8 mois mais ils continuent provisoirement à vivre ensemble). Il m’ignore. Situation risible quand on sait qu’il nous avait écrit il y a un mois (alors que leur couple tenait encore) avec des intentions évidentes.

Une autre connaissance fuit l’endroit avant même que je ne puisse lui parler, perturbé sans doute par une musique trop club (« David Guetta est le plus grand DJ » a-t-il probablement dû affirmer un jour).

J’aperçois aussi notre petit homme d’Ibiza, toujours accompagné de ses deux mêmes amis. Il refuse désormais de nous parler. Nous aurions trop joué avec ses pieds selon lui. Pour certains, manifester de l’intérêt après le sexe, jouer du terme « sexy boy » sans consommer une nouvelle fois semble perturbant. Maturité émotionnelle ai-je dit ?

Un autre ancien amant, moins compliqué, nous présente son nouveau copain. Je suis content pour lui, il semble sortir enfin de son microcosme provincial (le même que le mien) avec un certain succès. Il possède, il est vrai, quelques arguments solides. En se liant à lui, les amateurs de « big cock » sont immédiatement démasqués.

Quand la fatigue interrompt la cadence, j’aime me réfugier dans l’observation. 

Je me demandais comment les genres allaient se fondre dans cette salle. La césure se révèle particulièrement originale. Au centre de la piste se sont concentrés les corps torses nus au profil typique: musclé, sorteur, amateur de circuits touristiques gays. A l’intérieur du cercle règne un sentiment d’étouffement, de chaleur, d’étoffe superflue. Quand bien même l’espace est extensible en ce lieu, la devise demeure de rester bien compact. Le reste de la foule, toujours en T-shirt, s’est positionnée par défaut en périphérie, profitant à la fois d’un air plus respirable et d’une distance plus respectable.

Je prends aussi plaisir à guetter l’un ou l’autre beau gosse, même si une petite phrase prononcée durant l’après-midi me trotte dans la tête. Alors que nous déambulions dans les rues de Bruxelles et que L. s’ était  arrêté devant une boutique d’objets de luxe hors de prix, j’ai poursuivi mon chemin en lui expliquant que « je n’aime pas regarder ce que je ne peux même pas imaginer pouvoir disposer un jour ». Et ce soir me voilà à dévisager ce que je ne peux même pas convoiter, discipline personnelle oblige.

Une nouvelle contradiction, une première faille.

Des visages épanouis, des sourires complices, des regards de feu, des corps en ébullition, des échanges de fluides. Une concentration. De la promiscuité. La machine est en marche. Le désir ne peut rester à quai.

D’autant qu’il trouve matière à s’investir.  Un look streetwear, un visage géométrique aux traits néanmoins fins, un regard intimidant. Une enveloppe très masculine mais un genre « garçon sensible ». Son attitude naturellement élégante, sa retenue légère le rendent spécialement attirant, très différent du tout venant du jour. Je n’ai pas à travailler mes sensations, elle se mettent en branle dans un mélange de fascination et de convoitise.

Je ne danse pas loin de lui. Mon regard balaie la salle de gauche à droite en s’attardant, l’espace d’une seconde, sur son visage angélique. Je le vois se retourner régulièrement sans toutefois oser fixer le sien. Le doute est permis mais je ressens tout de même une certaine réactivité.

J’ai cependant perdu l’habitude de la drague, de la confiance en moi en pareille circonstance et l’absence d’échange visuel complique encore un peu plus la démarche. Le petit jeu se poursuit pendant près d’une heure sans la moindre avancée. Lorsqu’il se rend aux toilettes, je me décide à le suivre. Je n’ai aucune envie pressante mais ce nouveau contexte pourrait déboucher, qui sait, sur une opportunité de rompre notre silence. Je m’installe à côté de lui. Il tourne la tête de l’autre côté, j’en profite pour jeter un coup d’œil par-delà la cloison. Ma présence semble l’empêcher de pisser. Il finit d’ailleurs par abandonner. C’est sans doute le moment de tenter ma chance, de lui adresser la parole mais je m’abstiens. Non pas suite au retour soudain de ma discipline originelle qui a bel et bien volé en éclat, juste une audace en rade.

Les atermoiements ont raison de ma patience. Je suis fatigué et L. ne supporte pas trop l’alcool aujourd’hui. Un peu déçus (il était vraiment bien ce garçon !), nous rentrons nous coucher. Nos chemins se croiseront peut-être ailleurs.

Si le retour du sexe est différé, les démons antérieurs ont resurgi. Je me retrouve comme ce gay qui veut se persuader qu’il peut devenir hétéro. Il a beau essayer, rien n’y fera. Me voilà prévenu…

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