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Mo's blog
2 décembre 2005

Une icône gay

1990d1

La nouvelle s'était répandue comme une traînée de poudre au sein des services de presse du monde entier: "Marc Almond dans un état critique à la suite d’un accident de moto". L'information laconique était suivie d'une brève biographie du chanteur évoquant un passé lointain, forcément révolu, auquel l'événement dramatique apportait un point final évident.

Ce jour-là, les médias ont enterré l'artiste avant même que l'homme n'ait pu infléchir ce destin programmé. De sa progressive revalidation, la presse en fit peu écho.

Un an après ce communiqué mortuaire, je retrouve, avec une surprise teintée de soulagement, le nom du chanteur sur un affiche annonçant sa venue lors du Gay Tea Dance (qui n'en a plus que le nom, l'ambiance ne débutant qu'après 22.00) du You à Bruxelles ce dimanche. Il est donc bel et bien vivant !

L'endroit s'était contenté jusqu'ici à promouvoir des tentatives de revival alimentaires et quelque peu pathétiques de gloires éphémères comme Desireless ou Samantha Fox. Cette fois, l'effort paraît bien plus louable avec l'invitation d'un vrai artiste. Statut qu’il confirmera haut-la-main dans sa courte performance scénique : 6 chansons - dont une reprise de Jacques Brel (le magnifique "Jacky", déjà présent sur son album d'hommage à notre compatriote) - pour une prestation empreinte d'un professionnalisme rôdé, d'un investissement touchant et que vient couronner une interprétation impeccable (lui n'a plus besoin de cours de chant…).

Le tout dans des conditions difficiles : ses compositions ravivent les souvenirs de la génération d'actuels trentenaires et quarantenaires, tout de même moins représentée en boîte de nuit. Pour les plus jeunes, le nom même de Marc Almond est inconnu. Certains ont sans doute dû se demander pourquoi ce petit homme avait repris « Tainted Love » (« c'était pas Soft Cell qui chantait cela?").

C'est le moment idéal du texte pour pousser un coup de gueule, sous forme du triste constat d'une certaine inculture en matière d'histoire musicale (je ne parle pas ici de la connaissance des participants aux différentes star'ac!) et du mouvement gay. Car beaucoup ignorent sans doute que Marc Almond a fait partie de cette génération de pop-stars qui, de Boy George à Jimmy Sommerville, a osé afficher son identité gay à une période (le début des années 80) moins propice à ce genre d’affirmation (quoiqu'il semble encore compliqué pour bien des artistes actuels d'oser leur coming-out). Pour ceux qui s'intéressent à l'histoire gay, un petit conseil d’achat au passage: le très intéressant « dictionnaire des cultures gays et lesbiennes » dirigé par Didier Eribon, à la fois ludique et informatif.

Fort de cette prise de conscience historique , j'accède à une émotion vive et tenace devant cette légende bien vivante, quand bien même une bonne part de son répertoire musical me demeure inconnu. Je me plais à observer cette communion d'un artiste avec ses quelques fans aux trait vieillis, qui me plonge, l'espace de quelques minutes, dans le parfum d'un passé pas si ancien, celui des dernières années pré-sida, comme une immersion soudaine dans un chapitre secret des chroniques de San Francisco.

Prendre conscience de ce qu'ont transmis nos aînés pour devenir ce que nous sommes aujourd'hui. Tous différents mais héritiers d'une même histoire.

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