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Mo's blog
15 août 2006

Les yeux en amande

papa

Quelle vérité se cache donc derrière le voile impénétrable de ses lunettes, me suis-je souvent demandé?
Des yeux en amande, tout d’abord, mieux discernables lors de ses jeunes années, quand il abîmait ses coudes sur les bancs de l’école.
Ils n'expriment aujourd'hui que peu de choses, si ce n’est de très communes manifestations de joie, de colère ou, dans leur opacité, une souffrance physique régulière depuis deux ans. Un passage difficile pour soigner sa prostate, suivi bientôt d'autres douleurs plus sournoises, dorsales, cervicales, à l'incommodité continue. Elles réclament de lourds efforts pour sourire, tromper le mal, cette gêne qui ne laisse aucun répit. Vieillir n'est pas aisé. Il se tait, se terre quand il souffre. A sa place, j’irais crier mon désespoir mais lui ne lâche rien, ne traduit verbalement pas la moindre de ses angoisses ou de ses déprimes, conscient des ravages que peut générer l'expression de quelques mots à la face du monde, spécifiquement celui qui l'entoure. Certaines vérités trop dramatiques ne se dévoilent pas.

Dans son couple, il assure le pôle quiétude face aux traits d'anxiété de son épouse. Autant elle ne peut gérer tout trop-plein émotionnel, autant il paraît armé d'un bouclier pour faire face aux blessures et contrariétés infligées par le cours de l'existence. Il s'en est accommodé, blindé par une enfance compliquée au cours de laquelle il cacha bien vite ses yeux en amande sous d'épais verres foncés. Il s'érigera en muraille, figure d'autorité solide pour ses enfants, leur témoignant de son amour par une disponibilité sans faille davantage que par d’impudiques attentions affectives.

-      Et toi tu penses à la mort?
-      Oui, tout le temps

Dans sa sérénité d'homme de conviction aux coups de sang passagers, sont apparues ces douleurs répétées, tourments de suite intériorisés. Et quand, à l’occasion d’une discussion entre amis, il s'exprime sans carapace, d’une parole brute, révélatrice, le mal prend soudain racine au plus profond de l'âme. Sans parvenir sans doute à diluer ses propres blessures, ces mots fragiles innervent le corps de ses proches - ce dont il avait toujours voulu les préserver.

Le monde ne s'est pas pour autant écroulé. Il m’intime juste de garder les yeux - forcément un peu les siens
à l’air libre et grands ouverts.

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Commentaires
M
celle de fin janvier (à vérifier, c'est à cause de la photo)je connais cette génération tu peux transposer certaines phrases et surtout les tourments intériorisés. Je n'ai pas peur de ma mort, juste de la souffrance. Reliefs de notre éducation forgée par nos ascendants et la bienfaisance des discussions avec les personnes en dehors du cercle familial.
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