Un écran total de liberté

Le soleil encore et toujours. Sa présence interminable bouscule le quotidien. Le cadeau de sa présence n'impose pour seule réponse que sa fréquentation assidue, accointance de circonstance que doivent ignorer les peuples méditerranéens choyés par l'abondance de sa luminosité généreuse. La valeur de rareté que nous lui accordons dans nos régions (difficile, le fameux décrochage du rythme solaire) nous détourne sans cesse du repos toute lumière baissée, propice à une séance de lecture ou au visionnage d'un film. Son appel irrésistible nous soumet tant et plus à son brûlant contact, sous une forme ou une autre.

Le soleil, la plus aveuglante de mes addictions actuelles mais pas forcément la seule à laquelle je succombe(rais). Si je me contente actuellement de celle consistant à consulter à intervalles très réguliers, jusqu'à l'épuisement, les nouvelles de transferts de mon club de football favori, je pousserais volontiers et sans relâche les portes menant aux recoins les plus sombres d’une boîte de nuit ou à toute nouvelle aventure séductrice. Cet été, mon costume de dragueur peine toutefois à assurer son efficacité. Par chance ( ?), je peux endosser celui de dragué, parfois dépassé par le rythme des initiatives mais abordé de temps à autre par des physiques avenants. Ce week-end, il prenait les traits d’un jeune arabe de 20 ans au charme puissant mais aussi …gigolo à ses heures gagnées. Son regard balayant tour à tour mes yeux et mes lèvres exprimait une réelle envie de plaisir sans motivation pécuniaire. Mais désemparé par sa sulfureuse réputation, j’ai battu en retrait - pour la deuxième semaine de suite.
Si le cours de ma vie ne manque pas d'allant pour l'instant, ces restrictions finissent par s’ériger en questions existentielles.

Se surpasser. Repousser ou faire sauter une limite. Braver ses réticences et tenter l'aventure. Autant de termes utilisés en psychologie en vue de garantir à l’être humain un développement plus harmonieux.
Dissocier le désir du trop-plein de raison pour se laisser embarquer dans des escapades - qui n'auraient de frontières que ses impératifs en terme de risque. Oser le voyage en aventurier, desserrer les écrous du confort de destinations rassurantes. Voire plus fort, poser ses pénates dans un pays au climat rêvé après avoir acquis les connaissances nécessaires à une compréhension suffisante de la langue locale.
Transgresser ? L'apanage de la jeunesse, diront certains mais ne devrait-on pas s'en inspirer? Je ne me drogue pas, je ne bois pas, dois-je en être fier? Quel univers, quelle découverte d'un intérieur insoupçonné se dérobe ainsi à mon existence?

Nos résistances débordent sans doute de notre propre esprit. Pour assurer la matérialité de nos idées, il faudrait déblayer le champ de nos attaches protectrices, tuer le père (voire encore davantage la mère), éliminer le mari pour laisser entrer l'ami, l'amant, l'intriguant.

Le programme de nos fantasmes est alléchant, exaltant mais il réclame de l'audace pour son passage à l'acte, du caractère pour affronter l'illusion et la solitude qu'il dissimule et de la conviction pour assumer le glissement d'une recherche esthétique réfléchie vers une quête épicurienne plus désinvolte. 
Apprendre à déstructurer sa liberté et se rendre finalement compte de la fragilité de celle que l'on pensait posséder. 

Comments

[Abend]

Ce n'est que 4 post plus loin que l'on découvre ce que voulait te faire "subir" le jeune arabe? Maitre de la périphrase:-) Et tout cela à Paris, 2 semaines de suite. Transgresser, se dépasser...oui pourquoi voir cela comme ça. C'est très délicat de se garder une image de soi indemne parfois. Quand le supputé plaisir est proche de la perte de soi, c'est parfois un peu comme si on percevait les réels mobiles, pas si légers, un peu glauques des échanges, les contrats aux clauses impossibles à décrypter.

[Mo']

Bashung, non? ;-)

[Kid A]

Ecran total sur les pores de ma peau
écran total sur nos remords
que dire sinon s' enduire
de tous les crimes

J' ai vu le ciel tourner au violet
et les filles se faire aimer
la mort dans l' âme
c'est la chaleur humaine

Désormais je me dore
à tes rires
je me dore à tes nerfs
à la tyrannie du jour ...

Ton post m'a fait penser à ce texte.

[Marie]

Ecran total : pour se préserver ?