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Mo's blog
20 mai 2006

J'ai horreur des printemps

Il semble écrit que le mal-être doit accompagner chaque année mon printemps. Est-ce l’extirpation des profondeurs de l’hiver qui me fait douter de la réalité des premiers jours ensoleillés et commande à mon esprit de refuser cette facilité ? Est-ce au contraire la prise de conscience de cette renaissance qui me pousse à dépasser mes limites rationnelles avant d’ensuite buter dessus ? Ou est-ce peut-être seulement une conjonction de circonstances malheureuses qui se bousculent et finissent par fusionner pour me plonger dans un mélodrame cheap?

Le climat s’est obscurci ces dernières semaines avec l’annonce mal digérée de la séropositivité d’un pote et les craintes du même sort d’une amie (suite aux risque pris avec un mec qui voyait une autre fille en même temps sans qu’elle ne le sache). Trop pour moi. Je repense aux quelques aventures de ces derniers mois, certes peu nombreuses et sans motif d’inquiétude particulier. Il n’empêche, mon esprit a trouvé ses points d’accroche sur l’une ou l’autre vecteur de risque, réactivant au passage ma phobie et le doute tout entier dans mon esprit. Celui-ci agit sournoisement, conquiert le champ des pensées dès le matin quand l'assurance des mouvements de l'action quotidienne n'a pas encore pu s'imposer. Il paralyse la fixation d’objectifs à court et moyen terme qui demeure pourtant la raison majeure de se lever. En bouchant toute perspective de moments enchanteurs, il me confronte à la réalité d'un quotidien pas toujours flamboyant. Et face à cette absence de perspective, c'est toute l'énergie qui reste à quai. Je souffle, bloque ma respiration, un peu d'apnée pour chasser ce sentiment d'hyperventilation que je soupçonne d'être à l'origine de mon apathie. Quant à vaincre ma lassitude, j’attends patiemment que se ranime la foi en un avenir plus serein. Je cherche quelque part une flamme mais c’est une boule de feu qui fait son irruption, inopinée et violente, m’atteignant en pleine face.

J'apprends ce jeudi la suppression du service dont je fais partie et son intégration au sein d’une nouvelle structure aux contours flous. Rien n’avait filtré, le petit monde que nous nous étions créé, cette place, cette tranquillité acquise avec sérieux au fil des années s’écroulent nets. Nous n’avons pas le temps d’en faire le deuil qu’il faut envisager l’avenir qui nous est réservé et entreprendre les démarches adéquates. Abattu, mon assurance déjà toute relative vacille. Je me sens soudain si petit, si faible, si fragile face au changement, voire complètement inapte. Les peurs se multiplient à l’infini. Y trouverais-je ma place ? Serai-je capable de bien exécuter une fonction légèrement différente? Le contenu sera-t-il suffisamment intéressant ? Aurais-je l’occasion de respirer, de m’évader durant ce job ? A quelle ambiance dois-je me préparer? Quel rapport va s’établir avec la hiérarchie ? 

Dans ce contexte encore irréel, nous accueillons à dîner en soirée un amant récent. Il offre sa jeunesse pimpante à mon regard. Séduisante, impressionnante. Avec une candeur sans cesse renouvelée devant toute manifestation de beauté, je redécouvre fasciné ces yeux et ce sourire magnifiques, ce corps mince qui s’est finement musclé, cette expressivité d’un visage protéiforme offrant régulièrement un nouveau point de vue comme si plusieurs personnages s’y était donné rendez-vous. J’observe ce personnage d’étudiant Erasmus à la Klapisch : une communication facile, une activité débordante, une insouciance. La beauté de la jeunesse est forcément celle qui se raconte, qui évoque un univers par sa simple plastique.

Je me sens plus enclin ce soir à de la tendresse ou du partage de sentiment qu’à un contact physique plus singulier d’autant que quelques heures plus tôt je me suis occasionnée une blessure buccale. Moins préoccupé et plus sûr (cette fois) de sa séduction, L. est avide d’une issue plus frivole. Hagard, je succombe vaguement aux mouvements initiés à mes côtés. Je touche son corps avec délectation, l’embrasse volontiers quand il penche sa bouche dans ma direction. Je m’en contente par raison de sécurité. J’éprouve parfois le désir de me soustraire à ce jeu de plaisir comme si je ne pouvais me l’autoriser: mon investissement même épisodique relève d'un outrage à ma souffrance mentale. Ma place n'est pas ici. Je me trouve moche, indésirable. Les traits tirés de mon visage m’ont vieilli de 5 ans en quelques jours, voire heures. L’absence d’exercices ne donne plus à ma silhouette l’élégance que je souhaite ordinairement lui insuffler. Mon apparence me paraît une offense à la perfection de cette jeunesse insolente. 10 ans nous séparent, un fossé. Le monde s’ouvre à lui tandis que le mien (le nôtre) s’est déjà refermé, n'offrant en sursis que quelques micro-libertés de façade. La jeunesse s’éteint peut-être à la croisée des chemins, lorsqu’on emprunte une voie alors qu'il conviendrait de renoncer à choisir pour maintenir sa liberté .

Amené à braver ma pudeur, je me dévoile dans une nudité presque originelle. Je suis redevenu cet enfant sorti du ventre maternel, privé de son cocon confortable et dont le coeur, à vif, exprime des cris sourds. Dans de telles conditions, tout mouvement, tout sentiment s’assimile à des agressions auxquelles je participe en persévérant. J’oublie que les blessures n’apparaissent souvent qu’après coup.

Le lendemain, je le reconduis chez lui avant d’aller travailler. Je me demande tristement si nous le reverrons avant son départ. Le sentiment d’un adieu mal ficelé laisse vite sa place à une prise de conscience tardive : ce que j’étais prêt à accepter la veille par faiblesse, par perte de repère me paraît soudain insensé. J’ai pris un risque en l’embrassant avec cette blessure en bouche. Ne parlez pas de portée minime, limitée, la phobie a imprimé sa trace et je me sens coupable de n’avoir pas su la prévenir.

Perdu à mon bureau, assailli de pensées sombres, je voudrais disparaître pour effacer tous ces soucis. Je trouve heureusement un allié précieux: en dormant si peu la nuit précédente, j’accepte d’être absorbé par le meilleur calmant, la fatigue.

J’ai la force de ne rien laisser transparaître lors de l’entretien individuel avec mon responsable actuel. Je parviens encore à faire cet effort de représentation, à le laisser croire que j’acquiesce sur cette notion d’opportunité qu’il me présente volontiers. Je ne suis objectivement pas le plus mal placé d’autant qu’il m’offre discrètement une autre possibilité de reconversion, au sein du service qui demeurerait en l'état, dans une fonction assez similaire  - et pour laquelle il me préférerait, me dit-il à mots couverts, à un employé actuel. Cependant d’autres critères complexes entrent en jeu. Lors de ma prise de décision, je vais devoir recourir à un jeu de stratégie avec le risque de choisir le mauvais cheval. La quiétude n’est pas encore à l’ordre des prochains jours.

Le soir, mon vrai visage à découvert, j’entends L. me signifier qu’au fonds je ferais mieux de choper directement le hiv. Je ne réagis à ces mots durs que par un rire intérieur. Pour la première fois, ce matin, un même sentiment m’était parvenu. Je n’aurais plus sans cesse à devoir craindre son apparition, le virus m’aura alors atteint, j’aurais d’une certaine manière vaincu ma phobie.

Le bon sens ne peut faire partie de mon langage actuel. Je ne veux pas entendre de ces commentaires qui me rappelleraient la courte durée de ces aventures suivies de soucis postérieurs bien plus longs pour m’inciter à tout arrêter. Mais autant renoncer à vivre, à sortir en rue alors. Assume, voyons. Et si ce risque conscient et renouvelé était un moyen de reconquérir ma liberté, en ouvrant la voie à un choix cornélien certes insoluble et indiscutable mais qui a le mérite d’exister, si la liberté contenait implicitement dans son fonctionnement la souffrance de ne pas avoir opté pour l’alternative ? Et dans cette optique, la moins pire des possibilités consisterait à privilégier le feu de la vie au risque de s’y brûler plutôt que constater, triste, le lendemain les braises éteintes au symbolisme évocateur.

S'il y a un chose que je suis prêt à assumer, il s'agit bien de la solitude de mes pensées, je ne peux imposer aux autres cet enfer mental.  Tout comme que lecteur de mon blog, j’arrêterais de lire cet article devant ces sentiments répétitifs (oui, fuyez, fuyez, lecteurs). La solitude assure aussi finalement un refuge nous préservant des espoirs, des attentes de l'autre à nous voir remonter rapidement la pente.

Pourtant ce soir encore, malgré que je ne formule aucune demande, L. est encore là, à mes côtés. Il dépasse à chaque fois les limites de sa patience. Je vais finir par croire que c’est ça l’amour. A bien y réfléchir, je l’attrape, c’est déjà ça de pris.

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Commentaires
M
Es-tu parti faire du sport pour ta silhouette ou bien attends-tu tout simplement l'été ? Il n'y en plus que pour trois semaines.
B
Peut-être est-ce ce qui me vaut ce long silence depuis maintenant quelques jours ?<br /> <br /> Quoiqu'il en soit, aie courage MO'... FUIS !<br /> <br /> Ciao @+
M
A ceux qui croient .. à ceux qui pensent … à ceux qui disent … à ceux qui veulent …<br /> Aurai-tu oublié ? tes réactions qui font que maintenant je cherche le sens de "je me sens soudain si petit, si faible, si fragile face au changement etc" Tu t'interroges soit, j'aimerais bien lire : je vais m'épanouir dans une fonction évolutive, je sens en moi une potentialité nouvelle, j'ai bien quelques craintes mais je pense qu'elles seront rapidement balayées …on ne se met pas d'obstacles pour une course de fond sinon c'est perdu d'avance.
M
Les braises éteintes sont des cendres qu'il est impossible de ranimer, même avec un bouffadou.<br /> @Pierre : on arrive à vivre SANS, moins bien peut-être mais ça ne fait pas mourir pour autant !
P
Je (me) pose la question suivante avec d'autant moins de jugement de valeur et d'autant plus crûment qu'elle relève de mes préoccupations personnelles.<br /> <br /> Si, d'une façon ou d'une autre, c'est le cul (ou l'introspection sexuelle) qui aide à vivre, n'est-il pas logique que la perspective que cela s'arrête (pour cause de maladie ou de vieillesse ou pour toute autre raison) soit à elle seule tétanisante?
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