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20 octobre 2004

Sexe en 2004

Quelques événements récents...

1. Interdiction du dernier film de Michaël Winterbottom au moins de 18 ans et donc impossibilité de l'exploiter en salles, en raison de la présence de "scènes de sexe non simulées".

2. Un élu bruxellois démis de ses fonctions pour avoir soutenu un film porno gay en y participant (habillé). Le président de la section bruxelloise de son parti affirme qu’ils auraient agi de manière identique si un hétéro en avait fait de même.

Une seule et même logique : le sexe dérange.

Confiné à son cercle intime, le sexe est désormais toléré (seuls quelques fondamentalistes, malheureusement encore trop nombreux de par le monde, cherchent encore à régir la vie sexuelle des individus). Mais une fois exposé sur la voie publique, aux yeux ou simplement à la lecture de tous, il continue de susciter des désapprobations.
Le sociologue Eric Fassin affirmait dans son dernier livre qu’aux USA, puis en Europe, les problèmes de société ont été abordés ces dernières années sous le prisme de la question sexuelle (au sens large du terme). Il semble manifeste qu’aujourd’hui on veut changer la direction ou l’origine des débats. Peu de réactions sinon de quelques initiés aux deux faits divers. Le débat sur ces questions est clos. Les conservateurs sont satisfaits, les modernes n’osent plus trop bouger (l’influence de l’élection US ?).
Mais quel est donc ce problème ?
N’oublie-t-on pas que le sexe déborde l’acte ? Un homme pense au sexe toutes les 7 minutes paraît-il. Le désir n’a pas pour frontière le seul acte sexuel; il est partout : dans la rue, dans le métro, au supermarché, sur les affiches publicitaires, à la télé ou dans Libé, sur un blog,…
On pense bite, cul, oral, anal, gorge profonde, fessée, sourire, bonheur, plaisir, jouissance,…
Oui mais aussi chez certains, une gêne, une répulsion, voire une schizophrénie.
Au nom de ceci, on interdit cela.
D’une part, on oublie de dénaturaliser certains comportements produits par un héritage culturel sans cesse rappelé (ex : les femmes sont plus casanières que les hommes, plus coureurs). D’autre part, on continue de concevoir le désir comme un apprentissage culturel (sinon pourquoi interdire de parler d’homosexualité dans certaines écoles ?), ignorant qu’il est avant tout le résultat d’un développement personnel souvent inconscient.
Pourquoi penser que regarder un film avec une scène de sexe explicite va modifier forcément négativement l’adolescent spectateur. Au nom de quoi voir une bite, une chatte va-t-il (elle) le perturber ? Pourquoi une belle scène de sexe ne nous ferait-elle pas ressentir la force du plaisir d’un acte sexuel, comme une scène dramatique peut témoigner d'une émotion triste ?
A l’heure où tout un chacun, anonyme ou célèbre, s’épanche dans les médias (on assiste à une effusion parfois beaucoup plus crue des sentiments), on peut se demander quand aura lieu l’interdiction de Voici, ou d’émissions du type « y a que la vérité qui compte » pour des raisons pornographiques (beaucoup plus "choquantes" à mes yeux) vu que l'on n’autorise pas certains à faire parler leurs corps ou celui des autres, voire encore à cautionner la libération de ces corps.
Dans le cinéma, l’interdiction du porno a créé les conditions pour l’émergence d’une industrie de basse qualité, répondant à des intérêts purement financiers. Certains auteurs tentent de sortir de l’anonymat le sexe explicite pour lui redonner de la noblesse. Le cinéma permet bien d’exprimer tout un panel d’émotions, d’aborder tous les sujets, toutes les situations : pourquoi lui est-il interdit de montrer le plaisir, d’exposer la montée progressive du désir. Le cinéma peut susciter des larmes, pourquoi pas le désir ? Une image, une scène ne structure pas le désir, il ne fait que le révéler.
Sans doute que la libération du désir fait peur, comme s’il était susceptible de révolutionner le monde, de remettre en cause les fondements de la société, ébranler nos valeurs. Et c’est vrai, le désir c’est l’abolition de frontières mais des frontières purement mentales. La raison est toujours là, mise en rapport. N’a-t-on jamais éprouvé le désir de tuer à un moment ou l’autre ? Pourtant seule une infime partie passe à l’acte. Le désir sexuel est sans doute encore plus sulfureux, de telle façon qu’il faut absolument le contrôler, le normer en le cachant et davantage encore quand il s’agit d’images dont le pouvoir suggestif est de facto déstabilisateur. On oublie ainsi qu’on souffre parfois plus de l’absence d’images que de son trop-plein…

Les mêmes réactions hostiles apparaissent à la seule évocation du sexe. Même sur des chats/blogs gays, il arrive d’entendre parler du sexe (vu sous l’angle de one-shot ou, en tout cas, en dehors du contexte amoureux) comme d'une expérience potentiellement destructrice ou de réduire la personnalité d’un individu à la façon dont il en parle, sans trop tenir compte de ce qu’il affirme par ailleurs.
Considérer le sexe comme un domaine privé, intime et non divulguable est un choix totalement respectable. Le problème se pose quand l’évocation publique du sexe libre est associée à de l’artificialité, voire même par certains à de la bestialité.
L’expérience sexuelle fait sans doute partie des sensations les plus enivrantes de la vie. Parler de sexe est donc somme tout naturel : c’est un moyen d’encore profiter d'un souvenir passé (l’évocation d’une expérience sexuelle positive permet de prolonger l’état de bien-être qu’elle a provoquée) et de satisfaire d'une certaine manière sa soif de sexe sans devoir l’entreprendre.
Car il est clair qu’on aimerait sans doute tous (ou quasi tous) avoir plus de sexe. On manque parfois de temps, parfois d’opportunité. Les expériences sexuelles impliquent de temps à autre aussi trop de charges affectives pour les vivre sereinement. L’intimité abandonnée dans l’acte sexuel rend cette expérience spécifique, à la fois beaucoup plus excitante, revigorante mais plus déstabilisante si elle est perçue négativement. Tout le problème pour l’individu consiste à mettre en accord son désir et sa sensibilité. Le sexe dépend naturellement de son propre désir et du comportement du partenaire mais aussi du degré de ses attentes et de l’état émotionnel dans lequel on l’aborde.
Finalement le sexe demeure bel et bien une expérience, avec toutes les incertitudes qu’un tel terme implique. Une expérience qui vaut la peine d'être vécue.

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