Les maux de Moz
Morrissey est-il raciste? Cette question posée
récemment par la presse ne s’adresse pas à moi mais du vrai (enfin j'existe
mais je dois reconnaître humblement que le plus connu des Mo' reste
l'ex-chanteur des Smiths).
Ses propos dans le NME ont déclenché une horde
de commentaires indignés dans les éditoriaux du NME et the Independant mais
aussi des réactions de soutien dans les forums.
Petit résumé de ses paroles (que le chanteur
affirme aujourd’hui sorties de leur contexte).
Les frontières de l’Angleterre ont
été submergées (…) On a soldé l’Angleterre (…) Si vous vous promenez dans le
quartier de Knightsbridge, vous n’entendrez plus un seul accent anglais. Vous
entendrez des accents de la planète entière, mais aucun accent d’ici (…) Vous
ne pouvez pas dire : “Allez, tout le monde peut venir habiter chez moi,
installez-vous sur mon lit, prenez ce que vous voulez, faites ce que vous
voulez”. Ça ne marcherait pas (…) Ce que l’Angleterre est devenue n’a rien à
voir avec ce qu’elle était. C’est déplorable, nous avons tant perdu au change…
Il est toujours triste de voir un artiste
revenir sur le devant de la scène avec une telle histoire, et des propos tout
de même assez fâcheux. Le fan que je suis cherchera tout de même à trouver
quelque explication avant de poser un jugement définitif.
Au travers de cette polémique, l’interrogation
quant au multiculturalisme me semble aller de pair avec la question de l'anti-racisme. Historiquement,
nos sociétés ont toujours connu - et c'est regrettable - diverses formes
de racisme, que les politiques colonialistes ont entretenues. Depuis 50 ans s'est dessinée une tentative de
corriger cette situation avec d'une part les déclarations d'indépendance de
pays colonisés et le développement d'une conscience politique visant à combattre
les discriminations et injustices liées à la couleur de la peau, l'origine
ethnique, le sexe ou la sexualité. Cette lutte trouve aujourd'hui de nombreux
relais dans l'opinion pour soutenir la légitimité d'une telle cause. Mais
elle peine parfois à se faire entendre dans un monde fragilisé par la
mondialisation et l'inévitable multiculturalité qu'elle implique.
L'homme se
sent parfois perdu. En manque de repère, il tend à se replier vers un monde qui
le rassure, celui dans lequel il a baigné par le passé, avec lequel son esprit
a grandi. Je pense qu'il nous est tous arrivé de penser à un moment donné, suite
à un événement particulier, que le monde tournait mal, que la cohabitation
entre les être humains, entre les différentes cultures n'était pas une réussite. Cette idée qui traverse
subrepticement l’esprit peut être évacuée par la réflexion et des considérations
morales. Parfois elle s’entretient, se nourrit par la propagation de jugements
péremptoires. On a ainsi vu naître depuis une quinzaine d'années (depuis le
fameux « choc des civilisations » de Huntington et sans doute plus
encore depuis le 11/9/2001) une réaction face à la posture dite du « politiquement
correcte » dressant les avantages du multiculturalisme. Cette tendance
gagne du terrain en Europe et se retrouve exprimée aujourd’hui dans les forums
anglais ou français qui consacrent un sujet à la présente polémique. Ils ne sont pas forcément de droite ou d'extrême-droite, hargneux sur la
question, ni foncièrement racistes. Il pourrait m’arriver d’opiner sur
certaines constatations ou sentiments exprimés: la difficulté d'accepter
certaines pratiques ou modèles culturels patriarcaux, le port du voile chez la
femme ou l'impérieuse expression de virilité chez les garçons, le peu de
mélange en pratique entre les origines ethniques différentes, que ce soit dans
les cercles d'amis ou dans les couples. Le modèle multiculturel enrichissant
que l'on cherche tant à vanter dans les médias ou l'idéologie politique ne
paraît pas toujours en pratique se matérialiser (même si on oublie de dire que la
même chose prévaut à propos des cohabitations entre classes sociales).
Pour moi, douter du multiculturalisme fait
de quelqu’un un réactionnaire, pas forcément un raciste. Il faut d’ailleurs
parfois resituer une parole dans un ensemble plus large de déclarations et d’actes
d'une personne pour porter un jugement. Récemment, un président de foot de
division 1 belge a suscité un tollé en adressant, dans un débriefing, à un
joueur noir peu à son affaire la remarque suivante : "Monte dans un arbre et mange un régime de
bananes". Le joueur, appuyé par le mouvement antiraciste, a voulu rompre
son contrat avant de se raviser après les excuses répétées - en toute bonne foi
je pense- du bouillant président d'un club composé majoritairement de joueurs
d'origine étrangère dans ses équipes de jeunes. Cet épisode témoigne d’une
tendance presque inconsciente à tenir un propos raciste sans l’être forcément en
soi. Il faut bien entendu lutter contre les préjugés et les petites
phrases qui prolongent toute forme de racisme mais c'est par l'éducation
et la dénonciation continuelle des propos - sans chercher à chercher de mauvais
boucs émissaires - que la lutte est sans doute le plus efficace.
Je réalise qu’au cours de sa vie, il
faut parfois se faire violence pour ne pas tomber dans certains raccourcis
concernant l'échange culturel et affirmer que toute société n’évolue pas de la
façon idéale. Il faut regarder le monde en face de soi et accepter cette réalité
qui ne nous plaît peut-être pas toujours pour œuvrer à une meilleure
cohabitation entre tous, sans chercher à s'abîmer dans des antagonismes sans
fin. Des différences existeront toujours, certaines mêmes s'estomperont (sans
doute) avec le temps et il subsistera - c'est heureux - une spécificité à
chaque culture dont nous pourrons découvrir la beauté, la force ou l'élégance.
Un exemple me semble frappant. Le
rap a parfois été considéré comme un style musical abject par les réactionnaires
qui ne voit que violence et destruction de notre modèle culturel. On peut
rester insensible à certains courants du rap, mais il jaillit parfois de cette
culture en mouvement des pépites telles que celles concoctées par Kanye West
ou Common
L’essentiel est de toujours croire que le
meilleur peut arriver car c’est le meilleur moyen pour qu'il survienne.