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Mo's blog
10 décembre 2007

Les maux de Moz

Morrissey est-il raciste? Cette question posée récemment par la presse ne s’adresse pas à moi mais du vrai (enfin j'existe mais je dois reconnaître humblement que le plus connu des Mo' reste l'ex-chanteur des Smiths).
Ses propos dans le NME ont déclenché une horde de commentaires indignés dans les éditoriaux du NME et the Independant mais aussi des réactions de soutien dans les forums.
Petit résumé de ses paroles (que le chanteur affirme aujourd’hui sorties de leur contexte).

Les frontières de l’Angleterre ont été submergées (…) On a soldé l’Angleterre (…) Si vous vous promenez dans le quartier de Knightsbridge, vous n’entendrez plus un seul accent anglais. Vous entendrez des accents de la planète entière, mais aucun accent d’ici (…) Vous ne pouvez pas dire : “Allez, tout le monde peut venir habiter chez moi, installez-vous sur mon lit, prenez ce que vous voulez, faites ce que vous voulez”. Ça ne marcherait pas (…) Ce que l’Angleterre est devenue n’a rien à voir avec ce qu’elle était. C’est déplorable, nous avons tant perdu au change…

Il est toujours triste de voir un artiste revenir sur le devant de la scène avec une telle histoire, et des propos tout de même assez fâcheux. Le fan que je suis cherchera tout de même à trouver quelque explication avant de poser un jugement définitif. 

Au travers de cette polémique, l’interrogation quant au multiculturalisme me semble aller de pair avec  la question de l'anti-racisme. Historiquement, nos sociétés ont toujours connu - et c'est regrettable -  diverses formes de racisme, que les politiques colonialistes ont entretenues. Depuis 50 ans s'est dessinée une tentative de corriger cette situation avec d'une part les déclarations d'indépendance de pays colonisés et le développement d'une conscience politique visant à combattre les discriminations et injustices liées à la couleur de la peau, l'origine ethnique, le sexe ou la sexualité. Cette lutte trouve aujourd'hui de nombreux relais dans l'opinion pour soutenir la légitimité d'une telle cause. Mais elle peine parfois à se faire entendre dans un monde fragilisé par la mondialisation et l'inévitable multiculturalité qu'elle implique.
L'homme se sent parfois perdu. En manque de repère, il tend à se replier vers un monde qui le rassure, celui dans lequel il a baigné par le passé, avec lequel son esprit a grandi. Je pense qu'il nous est tous arrivé de penser à un moment donné, suite à un événement particulier, que le monde tournait mal, que la cohabitation entre les être humains, entre les différentes cultures n'était pas une réussite. Cette idée qui traverse subrepticement l’esprit peut être évacuée par la réflexion et des considérations morales. Parfois elle s’entretient, se nourrit par la propagation de jugements péremptoires. On a ainsi vu naître depuis une quinzaine d'années (depuis le fameux « choc des civilisations » de Huntington et sans doute plus encore depuis le 11/9/2001) une réaction face à la posture dite du « politiquement correcte » dressant les avantages du multiculturalisme. Cette tendance gagne du terrain en Europe et se retrouve exprimée aujourd’hui dans les forums anglais ou français qui consacrent un sujet à la présente polémique. Ils ne sont pas forcément de droite ou d'extrême-droite, hargneux sur la question, ni foncièrement racistes. Il pourrait m’arriver d’opiner sur certaines constatations ou sentiments exprimés: la difficulté d'accepter certaines pratiques ou modèles culturels patriarcaux, le port du voile chez la femme ou l'impérieuse expression de virilité chez les garçons, le peu de mélange en pratique entre les origines ethniques différentes, que ce soit dans les cercles d'amis ou dans les couples. Le modèle multiculturel enrichissant que l'on cherche tant à vanter dans les médias ou l'idéologie politique ne paraît pas toujours en pratique se matérialiser (même si on oublie de dire que la même chose prévaut à propos des cohabitations entre classes sociales).

La posture paresseuse consiste alors à se dire, comme Morrissey, que ce mélange des cultures n'est pas une réussite. Si on ramène son intervention à son histoire personnelle, on pourrait peut-être ébaucher une rapide explication : Morrissey a quitté l'Angleterre depuis des années, a vieilli et s'est sans doute embourgeoisé. Moz, mélancolique et déprimé, pose un regard triste sur le passé qui n'existe plus. A vrai dire, il le jetterait de la même manière quelle qu’en soit l'évolution. Les endroits, l'ambiance changent forcément au cours des années et tout être humain nostalgique découvrira un sentiment de finitude face à ce passé disparu. De ce sentiment de désenchantement, Moz tire une vision politique rapide (fast-food), paresseuse et donc foncièrement réactionnaire. Est-il pour autant raciste? Peut-être s’il considère sa culture supérieure à celle de l'autre (ce qui n’est pas prouvé et cela ne nous est-il jamais arrivé d’y penser ? - la nuance étant toutefois dans l’expression publique d’une telle idée).

Pour moi, douter du multiculturalisme fait de quelqu’un un réactionnaire, pas forcément un raciste.  Il faut d’ailleurs parfois resituer une parole dans un ensemble plus large de déclarations et d’actes d'une personne pour porter un jugement. Récemment, un président de foot de division 1 belge a suscité un tollé en adressant, dans un débriefing, à un joueur noir peu à son affaire la remarque suivante : "Monte dans un arbre et mange un régime de bananes". Le joueur, appuyé par le mouvement antiraciste, a voulu rompre son contrat avant de se raviser après les excuses répétées - en toute bonne foi je pense- du bouillant président d'un club composé majoritairement de joueurs d'origine étrangère dans ses équipes de jeunes. Cet épisode témoigne d’une tendance presque inconsciente à tenir un propos raciste sans l’être forcément en soi. Il faut bien entendu lutter contre les préjugés et les petites phrases qui prolongent toute forme de racisme mais c'est par l'éducation et la dénonciation continuelle des propos - sans chercher à chercher de mauvais boucs émissaires - que la lutte est sans doute le plus efficace.

Je réalise qu’au cours de sa vie, il faut parfois se faire violence pour ne pas tomber dans certains raccourcis concernant l'échange culturel et affirmer que toute société n’évolue pas de la façon idéale. Il faut regarder le monde en face de soi et accepter cette réalité qui ne nous plaît peut-être pas toujours pour œuvrer à une  meilleure cohabitation entre tous, sans chercher à s'abîmer dans des antagonismes sans fin. Des différences existeront toujours, certaines mêmes s'estomperont (sans doute) avec le temps et il subsistera - c'est heureux - une spécificité à chaque culture dont nous pourrons découvrir la beauté, la force ou l'élégance.

Un exemple me semble frappant. Le rap a parfois été considéré comme un style musical abject par les réactionnaires qui ne voit que violence et destruction de notre modèle culturel. On peut rester insensible à certains courants du rap, mais il jaillit parfois de cette culture en mouvement des pépites telles que celles concoctées par Kanye West ou Common. Ce qui est vrai dans le hip hop l’est aussi dans bien d’autres domaines.

L’essentiel est de toujours croire que le meilleur peut arriver car c’est le meilleur moyen pour qu'il survienne.

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Commentaires
M
Quand il n'est plus possible d'aller plus bas, on ne peut que remonter ou bien disparaître ... Tout ceci devient tellement difficile que les communautés rétrécissent autour des clochers et on voit fleurir des textes en patois issus des transmissions orales. Si c'est ça la culture ...
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