Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mo's blog
23 octobre 2007

Billet octobre

Le retentissement de l’affaire Cantat ne semble pas s’essouffler avec le temps. La blogosphère a réagi de toute part à l'occasion de la libération conditionnelle du chanteur la semaine passée, souvent d’ailleurs de manière hostile.
Il est pourtant apparu clairement que Bertrand Cantat avait été traité comme un détenu normal, remplissant les critères pour bénéficier de cette sortie anticipée. Il aurait été injuste que la médiatisation extrême de cette histoire influence un juge au nom de l'exemple de la lutte contre la violence faite aux femmes.
Quant à ceux qui prétendent qu'il n'aurait pas dû faire appel à cette requête, j'imagine qu'ils conçoivent le masochisme comme une pratique éthique idéale pour expier leurs fautes. Oublient-ils par ailleurs que rien ne viendra sans doute enlever à B. Cantat le poids de la responsabilité d'avoir ôté la vie de quelqu'un (a fortiori la personne qu'on aime)?

La réflexion la plus intéressante à mon sens porte sur l'avenir de B. Cantat. Je ne vais pas spéculer sur la manière précise dont il réintégrera (peut-être) la vie active et publique mais je me demande dans quelle mesure il pourra redevenir un artiste exposant sa vision du monde aux autres et incarner cette balise comme par le passé en tant que leader charismatique d'un des plus grands groupes de rock français. Pourra-t-il encore, aux yeux de la société actuelle, légitimement représenter une opinion publique, endosser le rôle de figure morale après avoir fauté ? Le laissera-t-on exprimer autre chose que des considérations d'ordre purement psychologique, intimiste et porter un avis sur le monde et tous les sujets "politiques" qui tournent autour? Un homme condamné perd-il automatiquement tout droit d'affirmer une opinion morale, voire de servir de guide sur toute une série de sujets? En lui déniant ce droit, ne lui ferait-on pas encourir une double peine?

Dans un domaine il est vrai bien spécifique (la gestion officielle du bien commun), une même question se pose dans le champ de l'éthique politique: après une condamnation, un politicien peut-il encore se présenter devant des électeurs? Au delà de la peine judiciaire qui détermine la durée d’une éventuelle interdiction, certains partisans d'une éthique irréprochable en politique estiment que cette privation devrait valoir à vie tandis que d'autres différencient leur appréciation en fonction des délits commis (une affaire purement privée ne créerait ainsi pas une incapacité morale à pouvoir conduire une action publique).

Au fonds, dans l’affaire Cantat, la véritable interrogation tapie derrière tout ce débat revient peut-être à ceci : accepte-t-on aujourd'hui la faillibilité de l'être humain?

Dans toutes les strates de la société semble se renforcer l'intransigeance quant à la capacité de l'homme à affronter son existence. L'individualisme ambiant s'accompagne d'un déficit d'empathie manifeste. Certes, la population est encore capable d’envolées altruistes ponctuelles à l'occasion de grandes manifestations, principalement quand l'homme se retrouve démuni et sans prise face à des éléments externes qui lui sont imposés : la maladie, l'handicap ou plus généralement la position de victime (de plus en plus médiatisée et placée au centre du débat public, jusqu'à voir les usurpations se multiplier pour bénéficier de l'attention offerte à celle-ci). Dans bon nombre d'autres matières, rien n'est pardonné à l'être humain. S'il ne trouve pas de travail, c'est qu'il le veut bien (peu importe les conditions sociales ou psychologiques dans lesquelles l'individu peut se trouver). S'il commet un délit, la punition doit être maximale (renforcement du volet répression de la criminalité avec l'instauration de peines planchers et incompressibles,...). La plupart des pays n’autorise toujours pas à un individu de choisir l'heure de sa mort malgré la souffrance d'une maladie incurable.

Plus que jamais aujourd'hui, on attend de l'être humain qu'il soit vertueux, infaillible dans l'accomplissement de sa vie professionnelle et privée. La frontière entre le bourreau et la victime se densifie tous les jours davantage alors que nous traversons en permanence ces deux états (un peu comme dans le jeu de l'affaire « clearstream » en France). 

Pour ma part, sans chercher à les excuser, je pense qu'il faut en permanence établir une différenciation des actes commis - comme la justice tend d'ailleurs à le faire. Un comportement malsain adopté régulièrement et de manière pleinement consciente me paraît plus grave qu'une réaction impulsive aussi atroce soit-elle. L'emportement exceptionnel, qui peut atteindre un être humain dans des conditions spécifiques (notamment un déphasage émotionnel important), ne révèle pas de facto la nature profonde d'un individu.
Je ne sais pas quel chemin empruntera Bertrand Cantat à l'avenir mais je suis d'ores et déjà curieux de l'espace de parole qui lui sera laissé.

Publicité
Commentaires
J
Je trouve cet article super bien écrit, et puis ca donne une bonne vision de la chose! enfin je trouve ^^ !<br /> moi personnellement, même si les avis sont partagés, j'ai appris la nouvelle avec une immense joie !<br /> et contrairement à beaucoup de personnes, je pense aussi que c'est pas parce que c'est BERTRAND CANTAT qu'il a eu 4 ans à la place de 8.<br /> En tout cas, j'espère vraiment qu'il recommencera à faire des tournées et des cds.
Publicité
Archives
Publicité