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Mo's blog
18 juillet 2007

Paris-Narbonne-Sitges-Barcelone (part 2)

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Sitges. Trois jours après notre arrivée, j’atteins enfin l’un des instants de grâce de toutes vacances, ce moment où après avoir éliminé une à une les résistances, je m’autorise une décompression totale. Elle arrive tard dans le séjour cette année (cela fait près de 10 jours que nous avons quitté Bruxelles). La chaleur des derniers jours est légèrement retombée et une partie de la foule compacte du week-end s’en est retournée vaquer à ses occupations professionnelles délaissant la plage et ses environs. Le sourire d’Emmanuel a fait le reste.

Il aurait pu s’appeler Pedro, rencontré le premier soir, avec qui l'intimité physiquement partagée s'avéra aussi fulgurante que l’estompement du contact ensuite. Il se prénomma donc Emmanuel, à l'accueil charmant dans ce restaurant thaïlandais. Plus tard dans la soirée, dans l’ambiance feutrée du bar lounge post-dinatoire, nous pouvons enfin lui parler et lui proposer un verre après son service. Saisonnier atypique dans sa réticence à se fondre dans les endroits les plus populaires, il n’a pas encore composé de cercle d’amis depuis son arrivée deux semaines plus tôt. Derrière cette baby face se dévoile un vrai homme, qui, cinq années plus tôt, prit le large de son Argentine natale pour fuir une déprime consécutive à une déception amoureuse (accessoirement un tournant dans le choix de son orientation sexuelle). Face à la solitude abyssale induite par sa séparation, il se créa un digue en dynamitant la force de son moi intérieur, adoptant un style de vie axé sur l'indépendance et la découverte de nouveaux espaces géographiques et humains. Sur sa main droite, un petit tatouage traduit des croyances spirituelles très personnelles. Un lien, un fluide avec des forces cardinales comme la lune ou le soleil, sans pour autant négliger des flux plus terre à terre. Nos doigts peuvent s’effleurer, puis lentement s’entrecroiser (en prélude à d’autres combinaisons tout aussi délicates) en évoquant Nietsche et s'interrogeant sur l’au-delà. Il émane de son contact une émotion vivace, une douceur enivrante.
Le lendemain, après une après-midi à la plage vécue en sa compagnie, je peux m’abandonner à une sieste d’une quiétude profonde à la sensation trop souvent oubliée. Je pourrais m’en satisfaire aujourd’hui. Je réalise depuis toujours le dérisoire de ces circuits gays qui nous poussent dans une succession d’endroits prédéfinis composant une journée type, le galbe travaillé et la tenue appropriée pour la circonstance.
Je n’y renoncerai pourtant pas. J’y prends part ça et là, m'intégrant un jour pour déjouer le programme un autre. Je prends plaisir à ces jeux de regard éphémères, ces rencontres impromptues, cette drague légère, voire de temps à autre  - lorsque la beauté plastique rejoint la puissance du désir - à ces bouches, ces mains, ces sexes en fusion. Demain, j’y retournerai parce que j’y trouve matière à satisfaction, à émotions et qu'il subsiste parfois au milieu de la représentation la lueur d’une expérience humaine plus authentique.

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Il est difficile parfois de conserver intacte l’image de la pureté d’un instant. On finit toujours par diluer nos souvenirs, bafouer la morale de nos expériences. C’est fondamental en un sens d'en briser la continuité pour se remettre en marche. Rien n’est jamais sacré. On voudrait juste un peu s’élever à la suite d’une aventure et ne pas retomber si vite dans un mouvement d’attraction terrestre se terminant par un grand coup sur la figure.
J’ai rapidement répondu à ma libido inspirée par l’atmosphère d’un bar conçu à cette fin. Je savais que je ne pourrais maîtriser les événements, trop de contraintes viendraient enliser le processus. J’ai plongé les pieds joints avant de me rétracter, trop tard cependant pour en sortir complètement vierge. Les interrogations médicales, pourtant sans matière particulière à inquiétude, ont resurgi. Le moindre contact prend une dimension angoissante quand il se contente d’un instant éphémère. J'assume ceux débouchant sur la satisfaction de l’acte accompli mais culpabilise pour ceux perdus dans le feu de l’irréfléchi, de l’ordre du dispensable.
Ce début de soirée vient gâcher mon anniversaire et les bons moments passés ensuite en compagnie d’un petit groupe où 4 américains fort sympathiques se sont mêlés à nous.

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Dans le court trajet nous menant à Barcelone, je m'interroge sur notre séjour. Je ne sais pas encore si nous reviendrons à Sitges qui ne m'a pas convaincu dans l’ensemble mais je conserve, à l’instar de Gran Canaria, une émotion, principalement liée à la rupture désormais consommée avec une communauté de vacanciers gays. Cette propension à nous retrouver sur quelques m² de plage, d’un bar ou d’une piste de danse crée de facto un lien. Une bombe posée dans un bar à une heure fréquentée pourrait nous emmener vers une même destinée pour l’éternité et le choix d’un jour plutôt qu’un autre ne changerait en rien la composition des élus. Nos rendez-vous implicites sont balisés et la présence de ces inconnus est indispensable pour donner matière à nos vacances. La minorité gay, ici représentée concrètement dans un espace géographique confiné, constitue, malgré toute la superficialité de son rassemblement, une unité symbolique réelle dans la volonté commune de fuir la solitude pour aller - sans peurs, ni reproches -  à l’encontre de l’autre, dans un contact purement sensitif ou visuel, voire dans le meilleur des cas dans une proximité affective et/ou physique, au milieu d'un original brassage des genres (du jeune au vieux, de l’élégant à l’excentrique, de la folle au bear). J’ai laissé à Sitges l'ombre de quelques visages qui avaient pu attirer mon intérêt, de quelques êtres à la découverte agréable. La meilleure d'entre elle, Emmanuel, génère presque une fêlure par l'absence physique de son sourire, son regard attentionné, son accent exotique, l’épaisseur de sa personnalité transpirant une sagesse émotionnelle que je ne peux décidément pas imiter. Ce n’est pas un adolescent que je chéris ici en quelques mots mais l'homme sensible qui s’est affirmé derrière le visage angélique, une première dans les quelques coups de cœur ayant émergé de nos rencontres.

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Commentaires
M
Tôt le matin peut-être pas mais j'en ai pris :-)
M
Pour qui reviens-je ? pour quoi ? pour lire ...<br /> As-tu pris des notes tôt le matin pendant tes vacances ?
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