Billet de juin
C'est
la fin d'un cycle. Le rythme des élections prend fin en ce mois de juin tant en
France qu’en Belgique et c'est bientôt l'occasion de parler d'autre chose
(quoique la politique est une question citoyenne quotidienne).
Avant de tirer un trait, je ne peux m'empêcher de dresser la situation en
Belgique où les résultats défavorables de la gauche ont suivi ceux observés en
France, avec une probable cure d'opposition au niveau fédéral (national).
Si la
Flandre s'est à nouveau fortement droitisée et a plébiscité les partis
séparatistes lors de ce scrutin, la situation est moins tranchée en Wallonie et
à Bruxelles. Je demeure persuadé que la gauche reste dominante (certainement en
Wallonie) mais la perte de leadership du PS francophone au profit du MR (parti
libéral) a déplacé le centre de gravité politique. Le MR a désormais la main
pour former une coalition de centre-droit en s'alliant au CDH, le parti
centriste (le Modem belge) dont le cœur de la présidente penche pourtant à
gauche (le PS et le CDH forment d'ailleurs la majorité en région wallonne et en
région bruxelloise, le prochain scrutin concernant ces niveaux de pouvoir étant
prévu en 2009).
Le
ressac de la gauche se révèle pourtant assez faible dans l'ensemble, la perte de voix du PS ayant profité principalement au parti Ecolo
catalogué à gauche (même si un doute se pose quant à la stratégie des
dirigeants qui affirment n’avoir aucune exclusive quant à une forme de
coalition). Mais la logique de parti vainqueur/perdant lors d'une élection
et la pression de la Flandre droitière pour ne plus gouverner avec le PS rend
la présence de la gauche au pouvoir fédéral peu probable. A moins d'une
exigence flamande de réforme de l'Etat (ceux-ci veulent encore plus d'autonomie
au contraire des francophones qui prônent le statut quo), laquelle réclamerait
un majorité des 2/3 au parlement et ainsi une coalition plus large.
Pour les français qui réclament (sans doute avec raison) une part de proportionnelle, on peut donc observer que le message des électeurs pour constituer une coalition dans un tel système à un seul tour n'est pas forcément des plus clairs et demeure in fine le choix d'alliances de parti (il s'agit d'une constatation, pas d’une critique).
Le
tassement du PS trouve son explication principale dans les affaires à Charleroi
qui ont miné la ville depuis deux ans et plombé la campagne au cours des deux
dernières semaines avec une nouvelle vague d'inculpations (moins pour des faits
délictueux individuels qu'au nom de la responsabilité collective d'avoir
participé au collège décisionnel durant les 12 à 15 dernières années) dont le
calendrier judiciaire peut étonner (pourquoi si près des élections et seulement
au compte-goutte pour un même fait reproché?). La presse a pu s'en délecter, elle qui
cherchait depuis longtemps à crucifier le parti (c'est une évidence, la
gauche - et le PS en particulier - ne possède plus de relais au niveau
médiatique).
On
pourra évidemment affirmer que ces avancées judiciaires étaient prévisibles et
qu'il aurait fallu nettoyer les écuries d'Augias bien avant. C'est peut-être
vrai mais la révolution de velours entreprise par le président du PS Elio Di
Rupo dans le but de préserver l'unité du parti et dans le respect des hommes en
place présumés innocents (après la mise à l'écart immédiate des principaux
protagonistes de l'affaire) avait plutôt bien réussi jusque là.
La confiance unanime maintenue par les mandataires socialistes envers leur
président et son score personnel impressionnant malgré la défaite démontre
qu'Elio Di Rupo incarne toujours la meilleure solution pour conduire le parti.
Ce lendemain de défaite me donne l'envie de rendre hommage à cet homme qui
vient peut-être de connaître son premier échec politique (après avoir frôlé une
chute injuste il y a 10 ans lorsqu'il fut la victime d'une dénonciation
fantaisiste de pédophilie en pleine période post-Dutroux, cet épisode
accélérant son coming out).
Doté d'une intelligence supérieure, d'une précision confinant à la
méticulosité, il est parvenu à impulser au sein du PS un vrai discours de
gauche, à la fois défenseur des plus modestes, responsable dans la conduite de
la gestion publique et résolument moderne sur les questions de société (il est
à la base des avancées éthiques en Belgique en mettant en avant ces questions
dans le programme du parti).
Apparaissant souvent sous contrôle, il m'a été difficile d'appréhender sa
personnalité intrinsèque même après l'avoir rencontré à quelques reprises dans
un contexte plus informel. C'est lors de cette campagne et ses soubresauts
difficiles que j'ai vu émerger en lui une sensibilité plus clairement affichée,
une morale indéfectible (il refuse les coups bas au contraire du président du
MR) et un profond respect pour les individus. C'est avec un personnage comme
lui que je demeure persuadé que le socialisme demeure la
meilleure réponse politique, un parti populaire, moderne et ancré sur des valeurs de
solidarité et de mieux vivre ensemble.
Je vois
autour de moi une désaffection pour le politique, une absence de vision globale
de société qui traduit un repli sur ses propres intérêts et/ou un vote
automatique en faveur du parti correspondant à la classe à laquelle on
appartient (je pourrais parler d'individualisme sur le plan de la vision
politique même si ce terme n'est pas un gros mot pour moi, persuadé que le
respect de sa propre intériorité est primordial sur le plan comportemental). La
gifle du week-end dernier constitue dès lors pour mois une blessure envers une
vision politique de respect des plus fragiles, des minoritaires.
Pour me
ragaillardir, j'ai écouté le discours d'Elio aux militants dimanche soir (voir
le lien ci-dessous), qui illustre que la politique si souvent décriée, cette commedia
dell’arte, reste une aventure humaine totale avec certes, dans sa vision
sombre, ses coups bas, ses luttes de pouvoir internes mais aussi un lieu de
rencontres, une source d'émotion, encore plus touchante au soir d'une défaite. Et cette
vision romantique soudain dévoilée me donne envie (à mon niveau de simple
sympathisant engagé) de continuer à me battre autour de moi pour éveiller
quelques consciences.
http://www.ps.be/Source/Galleries.aspx?MenID=3094&EntID=1&Type=1&GalID=119&GItID=629