Célibat ou le coeur bat
Il s’agit peut-être d’une impression
prématurée mais j’ai éprouvé, récemment et pour la première fois, le sentiment
de m’être affranchi d’une certaine dépendance vis-à-vis de la vie à deux. Une
forme d’émancipation personnelle, d’autonomisation qui modifie de facto mon
rapport au couple et ouvre la voie à des choix sans doute plus purs, plus
authentiques.
Cette perception nouvelle ne signifie
pas pour autant que j’ai intégré la dimension émotionnelle de la vie de
célibataire. La semaine dernière, L. à l’étranger pour raisons
professionnelles, je me suis retrouvé seul à la maison. Des journées à errer
dans mon propre univers, certes prêt à m’ouvrir aux autres, à l’information, au
matériel fictionnel écrit ou télévisuel, mais envahi au final par un lourd
sentiment d’être délaissé affectivement.
Comment un célibataire parvient-il à
gérer une telle situation dans la durée ? Je m’avance sans doute trop
rapidement en formulant cette question. Tout le monde ne fonctionne pas comme
moi et je manque par ailleurs résolument de recul et d’expérience dans ce
domaine.
Beaucoup de gens qui n’ont pas choisi volontairement d’être seul sont
probablement animés par un réflexe de l’ordre de la survie conditionnant leurs
réactions émotives, moins extrêmes que la mienne. J’imagine également que le passage au célibat réclamerait une
très logique période d’adaptation pour recomposer sa façon de vivre, de
percevoir les choses avant de dégager de nouvelles perspectives.
Cette nouvelle vie deviendrait-elle
alors le réceptacle d’expériences exaltantes car inattendues, le préalable
idéal à une sensibilité des plus intenses, à la créativité la plus
fertile?
Ou serait-elle seulement cette étape
intermédiaire vers la vie à deux toujours tant recherchée ou dans le pire des
cas, un lent et désespérant cheminement vers la mort ?
Je me sens bien démuni à propos de cette réflexion où je laisse transparaître
pas mal de naïveté sans doute. Je perçois néanmoins au fonds de moi un fervent
partisan de la vie de couple. Que ce soit pour ressentir la force constante
d’un échange affectif (souvent implicite d’ailleurs) ou pour égayer un
quotidien bien triste lors du retour seul chez soi le soir ou au moment de
fermer la lumière sans pouvoir souhaiter bonne nuit. Un peu comme si la
présence d’un autre (qui est naturellement bien plus que le rôle auquel je le
confine ici) attestait de notre matérialité dans ce bas monde, y justifiait
notre présence, en fournissait l’essence même.
Ces mots me sont infiniment
personnels mais en jetant un coup d’œil par la fenêtre aux maisons voisines, je
devine tout de même les larmes cachées derrière des rideaux qui ne protègent en
fait que de l’image de solitude que renverrait leur intérieur.