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Mo's blog
14 novembre 2006

Une vie antérieure part 13 : "Tu veux ou tu veux pas?"

viavant13

En ce mois d’août, la rentrée est d’abord sportive et de courte durée. Notre reprise s’effectue lors d’un tournoi organisé en plein air. Le jeu a démarré depuis à peine 5 minutes. Je veux éviter un adversaire qui se décale maladroitement m’obligeant à effectuer une pirouette en déséquilibre. Je retombe durement sur mon genou qui ne peut supporter le choc. Douleur et gonflement (ce n’est pas du Amélie Nothomb, je vous (r)assure). Transporté à la clinique, l’interne de service diagnostique une entorse et en minimise la gravité, « on ne va pas m’amputer ». La douleur vive s’accompagne d’une gêne persistante, même quelques jours plus tard lorsque j’ose poser mon pied à terre.
15 jours plus tard, ce même médecin feindra de ne pas me reconnaître lorsqu’il entrera dans ma chambre pour vérifier quelques formalités avant mon opération nécessaire pour réunir les ligaments croisés antérieurs déchirés. La rééducation sera longue, 6 mois, soit une année complète sans compétition. Un coup d’arrêt non négligeable : cette année-là, mon équipe rate d’un fifrelin la promotion à l’étage national tandis que je suis condamné à abandonner le wagon.  Cette blessure renforce en outre un certain isolement (les entraînements constituaient ma seule activité en semaine) et une distance croissante avec le basket. Qui ne me manque pas forcément.

Je retrouve ce sentiment à l’unif, sous une forme toutefois modifiée. Mes voisins d’auditoire ayant échoué à gauche tant qu’à droite, je rejoins en deuxième année un nombre réduit d’étudiants. Alors que je pouvais aisément m’installer l’année précédente dans un coin autour de la masse grouillante, en me contentant d’engager une discussion de temps à autre, je ne peux désormais plus me cacher sans ressentir le poids de la solitude en mon for intérieur et dans les yeux des autres. Ne pouvant assumer cette visibilité asociale, je suis contraint de m’insérer au plus vite au sein d’un groupe. Cette idée ne me convient guère. Je ne trouve pas ma place dans les bandes, je ne m’y épanouis pas. Je m’interroge en outre sur le lien possible entre l’option choisie et l’absence de points communs avec mes camarades de cours. Une âme rêveuse peut-elle s’accommoder d’études économiques et du style souvent ambitieux des candidats au diplôme ? L’amarrage de sociabilité ne se situe-t-il pas ailleurs ?

Le décalage avec mes copines du secondaire est quant à lui bel et bien consommé. Elles ont elles aussi réussi et si j’entretiens toujours des bons contacts avec elles, leur fréquence s’espace, avec une touche d’artificialité. Je ne vois plus la raison de m’installer à leurs côtés pour les cours et tente de chercher ma place ailleurs. Au fil du temps, je finis par me rapprocher d’une fille plutôt réservée qui m’ouvre une porte vers un petit groupe composé de gens ni trop studieux, ni trop « grandes gueules ». J’emboîte bien vite leur pas d’une certaine désinvolture. Lors de la session de janvier, je fais l’impasse sur le volumineux cours de comptabilité dont la présentation de l’examen est pourtant chaudement indiquée afin de ne pas surcharger la session de juin. Irrité tant par la matière que par le prof, je fais partie du quart qui ne le présente pas, les étudiants ambitieux (ou responsables ?) ayant tous suivi le sage conseil des anciens. Je m’écarte pour la première fois du modèle idéal.
L’entame du second semestre ne remédie pas à mon manque d’application. Je trouve par contre davantage mes marques dans mon petit groupe sympathique même si je ne peux pas encore parler d’amitié. Pour la première fois, je me sens en phase avec la vie sociale universitaire même si la route emprunte trop de chemins de traverse. Je ne vais plus pouvoir éluder la question du choix.

Les vacances de Pâques approchent. Dans mon bain, je réfléchis au retard concédé dans différents cours. Enorme. Comme mes nouveaux camarades, j’accuse un certain désintérêt pour les matières proposées. Je crains de faire fausse route avec l’économie. Je voulais naïvement me donner les moyens de changer le monde avec l’apprentissage d’outils économiques mais je me suis embarqué au contraire dans un univers financier ouvertement libéral. Je m’imagine interrompre ces études pour me consacrer à une discipline qui me passionnerait. Mais la magie n’opère pas, aucune alternative crédible ne retient d’attention assez soutenue dans mes réflexions. L’étape de la première année est franchie et je sens rapidement poindre la facilité, la paresse de continuer sur ma lancée plutôt que repartir à zéro. La vérité se dévoile, nue, intransigeante : je ne peux plus laisser mes états d’âme ergoter sur mon aveu d’indifférence pour ces études. Le retard pris au cours de l’année se transforme en angoisse. Elle convoque une montée d’adrénaline devant la perspective de ne pas arriver suffisamment préparé au moment de la session. Ma tête bout et pas vraiment en raison de l’eau de mon bain, devenue tiède. Le temps m’est compté, il va falloir foncer tête baissée. Je romps avec l’esprit détaché affiché par les membres du groupe pour me concentrer exclusivement sur la tâche, avec le stress pour unique stimulus.

Remis en selle, je commence à regretter d’avoir esquivé ce fameux cours de comptabilité. Outre son contenu dense, il n’est plus considéré comme prioritaire dans l’élaboration des grilles d’examen. Intercalé parmi les autres, il va me poser un fameux problème de timing.
Au cours des semaines qui suivent, je mets le turbo pour rattraper le retard et place ma priorité sur les premiers examens pour maintenir mon moral à flot en cas de réussite et trouver les ressources  morales nécessaires pour porter un dernier coup de rein lors des ultimes épreuves. Mon calcul porte ses fruits, les premiers examens se déroulent conformément à mes espérances. Alors que la dernière ligne droite se profile à l’horizon survient l’écueil attendu de l’examen de compta. Un oral précédé d’une assez longue préparation écrite, programmé l’après-midi. Je n’aime pas cet horaire qui génère un stress croissant au cours de la journée autant qu’une perte de temps vu mon incapacité à étudier sérieusement le jour même d’un examen. En arrivant en ce début d’après-midi dans le bâtiment, je vérifie aux valves le local où je dois me rendre et constate, effaré, que je devais m’y présenter en matinée. Une modification aurait-elle eu lieu depuis mon dernier passage ? Je reste intimement persuadé d’avoir correctement lu l’information à l’époque. J’aperçois que le prof donne des examens dans ce même local l’après-midi. Je n’hésite pas une seconde et me dirige, paniqué, vers la salle pour tenter de lui expliquer ma confusion. Je prends une volée de bois vert de sa part. Comment pourrais-je trouver un travail plus tard si je me rends en retard à l’entretien de sollicitation, m’assène-t-il ? Mon visage se décompose, je sens le souffle du drame me titiller les glandes lacrymales. Dans un volte-face inattendu et rédempteur, il accepte néanmoins que je passe l’examen. En quelques secondes, je viens de sauver ma session.
Je dois certes encore subir l’épreuve de nuits (presque) blanches pour préparer les deux derniers examens mais l’effort ne se révèle pas vain. Je finis l’année avec une meilleure moyenne que la précédente. 

J’ai passé le cap des candidatures, je ne peux plus retourner en arrière. Deux années réussies représentent tant d’efforts que je n’imagine plus recommencer à zéro. Je tente bien, sans grande conviction, de chercher pendant l’été une bifurcation intéressante mais à défaut d’opportunité convaincante, ma voie désormais tracée ne subira plus la moindre interrogation quant à sa poursuite. Pour le meilleur ou pour le pire.

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Commentaires
M
Et combien de plans comptables depuis cette époque de ton adolescence ? avec l'Europe je ne sais si nous avons les mêmes, c'est gratiné !
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