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Mo's blog
7 novembre 2006

La communication à un fil

C'est une évidence, notre société moderne n'a jamais disposé d'autant d'outils pour communiquer. Il y a encore 10 ans, la connexion permanente passait par la possession d'un sémaphone indiquant le numéro du correspondant à rappeler. Depuis lors est survenue l'ère du téléphone mobile et d'internet, et de tous ses dérivés (notamment le mélange des deux technologies qui permet par exemple de bénéficier de la messagerie instantanée sur son mobile). Une (r?)évolution qui permet à tout un chacun d'être joignable en tout temps et toute heure. Une avancée passionnante pour quiconque souhaite accrocher le wagon de la modernité, significative pour divers aspects très pratiques (se retrouver en pleine campagne avec son mobile rassure) et ouvrant des perspectives pour modifier le rapport à la communication (un sms ou un mail permet parfois de désamorcer certains conflits en réduisant, par un objet interposé, l'aspect émotionnel d'une rencontre physique). Toutefois si la forme de communication s'élargit indéniablement, modifie-t-elle pour autant profondément le but final recherché, à savoir se comprendre les uns les autres? Deux exemples récents m'ont imposé cette réflexion. 

Au cours d'un week-end passé chez un ami, J, nous l'accompagnons à un dîner organisé par un de ses amis, B., qui avait réuni pour l'occasion une dizaine de personnes. En fin de soirée, alors que nous restons seuls tous les quatre, B. se met à reprocher à J. son manque d'audace pour draguer un mec qu'il avait invité spécialement à cette fin. J., passablement énervé par la critique, a fortiori en notre présence, se défend en évoquant sa liberté d'agir comme bon lui semble. Le ton monte assez rapidement et l'alcool aidant, les termes deviennent de plus en plus grinçants et assassins. J. décide alors de quitter l'endroit pour  mettre fin à cette confrontation devenue stérile. Vexé par cette initiative, B. reprend la main en le mettant lui-même à la porte.
L'émotionnel et le symbolique avaient fini par prendre le dessus sur la discussion de fonds au cours de laquelle s'exprimait (certes) un désaccord qui ne justifiait toutefois pas un virage dramatique de cette sorte.
 

Autre exemple, lors d'un dîner récent chez un ami fraîchement rencontré. K. nous explique qu'il n'a plus connu de coup de foudre pour un garçon en Belgique depuis deux ans, ajoutant qu'il se sent souvent incompris par les gays. Au cours de cette confession, L. l'interrompt de temps en temps en distillant quelques traits d'humour destinés à introduire davantage de légèreté dans l'explication qu'il juge un peu trop dramatique. K. réagit un brin courroucé en rabrouant L. qui n'apprécie que modérément l'injonction à rester sérieux. Engagés sur un sujet intéressant, où chacun se sent concerné et témoigne d'un point de vue sans grande discorde, nous tombons sur une embûche imprévue qui provoque une sorte de cassure dans l'atmosphère de la soirée. Soudainement, deux éléments liés par un même thème sont entrés fortuitement en connexion. La discussion en cours s'est trouvée parasitée par une différence d'appréciation quant à la manière de la mener et dans le même temps ce désaccord constituait peut-être la base même du problème abordé. En exposant avec gravité des sentiments profonds et sans doute à fleur de peau pour lui (mais pour lesquels il n'y a pas mort d'homme), K. nous avait embarqué dans un récit qui ne nous permettait pas de souffler et risquait de se terminer dans une lourdeur proche du sentiment d'étouffement. Après tout, nous possédons tous nos propres difficultés. En soirée, après une semaine bien chargée, nous cherchons à les évacuer et, sans tomber dans une légèreté abyssale pour autant, nous ne pouvons pas toujours apporter une attention soutenue et grave sur des questions personnelles rencontrées par autrui. Ce sentiment qui traversait mon esprit à ce moment (et celui de L. encore bien davantage) avait dû parcourir la majorité des gens que K. rencontrait et pouvait expliquer cette forme d'incompréhension dont il parlait. Sans doute était-ce réducteur, je me suis moi-même plaint de temps à autre de ne pas parvenir à extraire de moi et aux yeux des autres l'image valorisante que je désirais (si je m’attribuais une responsabilité dans cette incompréhension, il m’est sans doute arrivé de reprocher aux autres le manque d’effort pour parvenir à réduire cette fracture, que blogger a pu en partie dissiper). Mais l'essentiel était ailleurs, cette réflexion sur l'importance de la forme dans la façon de s’adresser à l'autre venait de trouver sa source dans notre propre communication du moment, s'imposant comme une illustration évidente. 

Ces deux scènes, à titre exemplatif, me rappellent à quel point la communication s'avère bien difficile. Quand bien même les sources pour entrer en contact avec l'autre se sont multipliées, elles ne fournissent pas le mode d'emploi sur le moyen de réussir cet échange, principalement lorsqu'il s'agit de sujet de fonds (soit l'essentiel de ce qui fonde une relation "adulte" amicale). 

La communication requiert un certain nombre de caractéristiques dont la conjonction doit être simultanée pour fonctionner: de la disponibilité, une capacité de compréhension (d'empathie) et aussi une forme d’expression adaptée aux intervenants (tout comme les éléments non verbaux, le ton d'une discussion importe autant que le fonds avec le risque de ruiner tous les efforts déployés par les protagonistes, comme si l’amitié ne tenait parfois qu’à une nuance). 

En l’état, tout autant que les avancées technologiques, le métier de psy dispose certainement de beaux jours devant lui.

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Commentaires
L
Absolument pertinent et passionnant. Là où tout ne tient qu'à un fil, notre tolérance et les efforts que nous sommes prêts à faire pour autrui sont parfois différentiés de manière infime d'un individu concerné à un autre.
M
On peut toujours écrire ....
P
Pas besoin de psy, le guide Marabout du savoir-vivre suffit: à table, on ne parle ni religion ni politique. Et sans doute pas cul non plus.
A
C'est vrai que "peser" sur les autres en communiquant trop lourdement, est sans doute la plus grande erreur. On peut pas demander aux autres de vous porter. En même temps, on s'aperçoit qu'on pardonne à certaines personnes plus facilement,même quand il ya eu des faux pas, des incidents, on est capable de revenir sur certains détails qui nous ont déplû, les réévaluer. Tout n'était pas de leur faute, quelles étaient les attentes qui nous ont rendus intolérants? <br /> Il y a des gens qui méritent une deuxieme chance, nous-mêmes y compris.
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