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Mo's blog
31 octobre 2006

Une promesse tenue

Je descends l’allée. Je m’habitue progressivement à la pénombre mais je dois encore me fier à ma mémoire pour appréhender les dénivellations d’une pente raide que j’emprunte trois à quatre fois par semaine. Un jeu de réflexes bienvenu pour suppléer mon esprit absorbé par d’autres préoccupations.
Le ventre noué, j’entre à l’arrière du véhicule. Je me plains régulièrement de l’absence de baffles arrières pour entendre correctement les résultats sportifs. Mais ce soir, je devine déjà que ma priorité ne portera pas sur une question de son.

Ma sœur, à mes côtés, a déjà fui. Je voudrais l’accompagner. Voler vers notre maison. Doté de petites ailes, je traverserais le centre-ville, désert à une heure du matin. Les lumières me serviraient de balise. Je repèrerais mon école, l’église à ses côtés. J’accompagnerais du regard les lacets d’un des versants de la vallée. A son sommet, je redescendrais quelque peu d’altitude pour m’engouffrer entre ces deux rangées d’arbres centenaires qui préservent l’anonymat de la haute bourgeoisie locale. Je contournerais ensuite le bois mystérieusement angoissant avant d’aborder le versant opposé. Je narguerais de ma hauteur les tournants en épingle qui ralentissent d’ordinaire notre trajet quotidien. Je redéploierais lentement mes ailes pour contempler ce faux-plat conduisant jusqu’à notre demeure. Je me rendrais directement vers ma chambre et m’installerais sur mon lit. Je pourrai alors respirer. Le silence aura gagné le monde entier. Chacun dormira, rassuré, apaisé, envahi par la quiétude d’une vie dominée par la sérénité.

Le claquement d’une portière. Mon voyage s’est arrêté bien avant sa destination finale. J’ai peur, je prie pour que ce trajet finisse au plus vite. Quand bien même ils ne me sont pas adressés, les mots lourds qui happent l’atmosphère résonnent comme autant de gifles reçues en pleine figure. Plus encore leur ton me remplit d’un effroi paralysant.
….tu m’énerves, tu n’arrêtes pas de régir ma vie….je n’y serais pas obligé si tu ne buvais pas autant au cours de la soirée...laisse-moi un peu vivre… mais moi je ne peux pas vivre quand tu es comme cela… c’est chaque fois la même chose, j’étais de bonne humeur et me voilà emmerdé…

Je me sens obligé d’endosser le rôle de médiateur mais les mots me manquent. J’esquive une tentative mais on ne m’écoute pas. Je réessaie, je suscite une première réaction. J’entre dans la discussion, j’en deviens le témoin involontaire, je ne pourrai plus échapper à l’abandon de ma neutralité. Mon parti-pris est déjà clair dans mon for intérieur. Je dois protéger maman que je trouve sensible et trop fragile. Elle a besoin de mon secours, je serai à nouveau son soutien. Je ne dois toutefois rien laisser transparaître à papa. Je m’adresse à lui en cherchant les mots apaisants. M’appuyant sur mon expérience glanée lors de précédents exercices, je cherche le point décisif qui permettra de détendre l’atmosphère. En pure perte.

Un chemin de retour alternatif, une voie toute cabossée, plongée dans le noir le plus total.
Le moteur s’arrête soudain, le contact interrompu par papa. Il quitte la voiture. Se met à marcher le long de la route. Sur le côté, une vingtaine de petits jardins de ville au fonds desquels se dessinent les façades arrières de maisons. Ma grand-mère maternelle habite une d’entre elles. Les lumières sont éteintes. Elle ignorera le triste spectacle qui s’y joue à quelques mètres.
Maman sort à son tour. Paniquée, elle demande à papa de remonter dans la voiture. A mon tour, les larmes aux yeux, le ciel d’un noir apocalyptique tombé sur la tête, je le supplie de revenir sur ses pas.
Il faut trois minutes pour que tout le monde rejoigne la voiture. La pression retombée, le reste du voyage s’effectue en silence. Sous le choc, je suis partagé entre le soulagement et l’envie de pleurer ou de crier mon désarroi.

Je ne comprends pas pourquoi le retour du basket le samedi soir rompt ainsi la quiétude de la vie quotidienne. Ou plutôt si, tout cela n’arriverait pas si ces chopes descendues tournée après tournée ne venaient perturber ces fins de soirée. Le message prend forme peu à peu, la conclusion semble jaillir des effluves de bière qui inondent la voiture. L’alcool à distance, je me fais la promesse de ne jamais finir une soirée ivre de ma vie. 

    

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Commentaires
M
L'angoisse de voyager avec un conducteur ivre qui refuse de le reconnaître quand on n'a pas de permis ... j'ai la chance de garder les clés quoi qu'il advienne.
M
Marie, je réponds à ton dernier commentaire (sur mon message précédent): oui, je suis à l'eau ;-)
2
L'alcool rend con certaine personne, j'ai du être sensible à ça jeune quand mon père rentrait parfois ivre à la maison, l'alcool rendait mon père con et méchant, je le détestais pour ça. Les temps ont changé heureusement. Fort heureusement il ne me rend pas ainsi et je bois modérement. Tu peux être ivre et joyeux aussi.
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