Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mo's blog
20 septembre 2006

Laura

Dans l'évocation de ses vacances, chacun surligne l'un ou l'autre de ses souvenirs les plus enthousiasmants en fonction du degré d'importance qu'il attribue aux activités entreprises à cette occasion: la fête entre amis, la sortie en boîte, la découverte d'un panorama magnifique, le repos sous le soleil. Si je me retrouve un peu dans chacune de ces catégories, l’attraction la plus sensible réside probablement dans la saveur des rencontres agrémentant le séjour.
Celle de type sexuel s'affirme comme la plus percutante dans la mesure où elle nous confronte plus rapidement avec l'intimité d'autrui. Sans toucher forcément à une vérité absolue (tout le monde ne s'y dévoile pas de la même manière), l'acte révèle de multiples informations sur l'individu qui laisse échapper parfois certaines émotions qui n’auraient pu être mises à jour dans d’autres circonstances (leur perception constitue sans doute l'essence de ces rapprochements, au delà de la recherche plus mécanique du plaisir).
L'absence d'une dimension sexuelle ne condamne pas pour autant tout autre type de rencontre (bien heureusement !). Dans l’ultime post sur mes dernières vacances, je tenais à ne pas passer sous silence la rencontre avec Laura que j'avais réduit injustement en danseuse topless précédemment.

Sortir en pleine journée peut apparaître comme une incongruité totale. Le clubbing ibizien réserve cependant quelques-uns de ses meilleurs moments lors de ces "party" où filtre parfois en abondance la luminosité extérieure, à l'instar de ce samedi matin au Space où s'est pressée la toute grande foule.
La musique finit par emporter mes réticences quant à cet horaire inhabituel. Pendant trois heures, je me fonds dans le rythme ambiant d'où je puise une pure joie de danser. 
Je peux difficilement isoler le plaisir du bon son de celui des yeux. J’observe autour de moi le bout de chair, le regard qui pourra satisfaire cette quête esthétique - l’étape de séduction ne revêtant souvent qu'un intérêt secondaire dans un endroit où je m’amuse. Je repère bien ce bel italien qui n'en finit pas de papillonner dans la boîte avec sa meilleure amie. Positionné derrière eux sur des marches, j'accueille jovialement le contact visuel initié par cette fille, je réponds à ses sourires de plus en plus francs. Après tout, quoi de plus normal de manifester son bonheur de vivre? Pas totalement naïf, je décèle une part de séduction dans sa gaieté partagée et je ne cherche pas directement à m’en dissocier. Au fonds, elle est plutôt jolie et la proximité avec son bel éphèbe d’ami me donne une raison supplémentaire de ne pas fermer de porte. Un black l'aborde cependant quelques minutes plus tard avant de lui adresser bientôt un baiser sur les lèvres. Je rigole intérieurement de la rapidité avec laquelle je me serais fait souffler l'opportunité si j'avais été hétéro.

Nous finissons par quitter la boîte pour rejoindre la plage, théâtre de nos retrouvailles le lendemain. Dans l’eau de mer agréablement chaude, elle s’adresse rapidement à moi dans un anglais langoureux : « I recogniiiiiize you ». Des citoyens londoniens apprends-je mais aussi des milanais d’origine. Sur insistance de Laura, nous nous donnons rendez-vous pour prendre un verre le soir dans la vieille ville.
Dans ce bar en plein air, je peux enfin converser avec Lucio. Notre échange me conduit cependant au constat d'une compatibilité impossible. Notre présence ne paraît d'ailleurs guère ravir ses amis italiens, très froids envers nous, dans un ethnocentrisme tranchant totalement avec l’ouverture des allemands.
Je me retourne vers Laura bien plus aimable. Les regards qu’elles me jettent deviennent brûlants, elle m’explique qu’elle n’a trouvé, lors de la soirée de la veille, qu' une seule personne à son goût. Naïvement je parle de son ami black mais elle avoue l'avoir embrassé du bout des lèvres, presque avec dégoût. Elle insiste sur un garçon avec qui elle a échangé des regards et qui n’a pas osé l’aborder. Conscient désormais de l'identité de l'individu, je plonge pieds joints dans le jeu de séduction tout en m’étonnant de ses espoirs. Je l’ai rencontrée dans une boîte gay à plus de 50%, nous nous sommes retrouvés sur une plage gay et le bar où nous discutons l’est tout autant. Comment une fille à pédé peut-elle encore envisager un virage de cuti inversé ?
Une forme de tendresse particulière n'en finit pas de traverser son visage, expression très différente de celle rencontrée chez les mecs. Peut-être cette sensation différentielle m'est-elle propre, au vu de la dimension sexuelle forcément absente que j'y attribue. Le trouble m'assaille dans tous les cas.
Avant notre départ, elle me lance un dernier regard intense et sans équivoque, m’obligeant à tirer au plus vite les conclusions qui s’imposent. Même si je prends plaisir à cette démarche séductrice inattendue, je dois l'avertir de l’inanité de ses espoirs. Sa noble réaction, entre déception et gentillesse non feinte, ne parvient à effacer en moi un arrière-goût de tristesse devant l’impossibilité de donner une suite à cette gamme inédite de sentiments, regrettant quelque part pour la première fois ma stricte homosexualité.

Lors de notre ultime sortie avant notre départ de l'île, je lui adresse à distance quelques signes d'au-revoir. Lovée dans les bras d’un amoureux de vacances enfin déniché, elle me répond par deux à trois sourires consécutifs d'une douceur apaisante infinie, comme si les plages blanches du livre de notre rencontre distillait malgré elles le parfum de nos sentiments diffus dont l’expression platonique ne saurait tarir leur mystérieuse opacité dans le champ de ma mémoire.

(oui, les commentaires sont déjà rouverts. Jonas, tu m’as convaincu)

Publicité
Commentaires
M
La conception historique du terme se rapproche sans doute de l'exemple repris par HM ci-dessus.<br /> Autour de moi, nous utilisons cette expression pour désigner simplement une fille qui s'entoure constamment de pédés (au risque parfois de ne pas se mettre en position d'être draguée par des mecs hétéros). L'ouverture de la jeune génération rend les exemples fort nombreux et au moins une amie qui m'est proche peut entrer dans cette catégorie.<br /> C'est donc une expression de pure affection venant de ma part.
H
Grosse fatigue...<br /> <br /> La phrase est "Si j'étais Dieu, j'aurais pitié du coeur des hommes". <br /> <br /> Mais le lecteur aura sans doute corrigé de lui-même.<br /> <br /> H. M.
H
Comme "la folle", la fille à PD offre matière à réflexions délicates et à sarcasmes. Thème difficile, parfois proche des réflexes racistes (genre "me fait chier").<br /> <br /> Je vais tenter de relever le défi que Marie lance, à partir d'un cas que je connais un peu.<br /> <br /> Celui d'une femme dont le mariage, socialement réussi, a fait fiasco. Mari violent, puis alcolique. Les hommes, tous les hommes, lui font alors horreur. Elle se refuse pourtant à envisager le divorce, malgré les coups, car elle tient à la situation sociale que lui a valu son union. Et puis, deux enfants sont nés (dont les parents s'occupent plutôt mal, mais quand même...).<br /> <br /> Obnubilée par les mondanités, évoluant dans les milieux artistes, Madame s'affiche alors volontiers avec des homosexuels déclarés.<br /> Ressort crucial de sa psychologie, qui se trouve dans une impasse, elle considérerait comme une défaite de sortir, banalement, avec des copines - ce qui serait un aveu DU FAIT QU'ELLE A DEJA CESSE DE POUVOIR ETRE DESIREE PAR LES MECS - et choisit les hommes avec lesquels, en définitive, elle se sent en sécurité : les PD ne vont ni la battre, ni la violer; au contraire, ceux qu'elle amène dans le monde sont gentils, mignons, etc.; elle les materne parfois, leur fait la cuisine, entend leurs confidences... Chacun trouve son compte dans ces petits dévoiements bien innocents, un brin chochottes. Peut-être les signes extérieurs de la libido (les PD sont quand même de sexe masculin) et le désir d'ascension sociale ont-ils fusionné ?<br /> <br /> Il n'y a pas de lien OBLIGATOIRE entre les sentiments et la pratique du sexe, vous le savez, Marie; et nous ne sommes pas des animaux. Qu'ils soient confondus, tiraillés ou dissociés, sexe et sentiments ne connaissent aucun horizon.<br /> <br /> Pour terminer avec le cas que je vous raconté, quelques éléments remarquables de son épilogue :<br /> 1. Monsieur a fini par demander le divorce. Parmi les "injures graves" dont il s'estimait victime figurait, inscrit dans les actes de procédure, le fait que sa femme fréquentait des homosexuels, assidûment et publiquement.<br /> 2. Madame a obtenu de pouvoir continuer à porter le patronyme de son ex-mari - précaution qui lui a permis de conserver ses entrées dans un certain monde.<br /> 3. Les années ont passé. Actuellement, les ex-époux s'entendent pour arranger au mieux leurs intérêts patrimoniaux et sociaux, dans l'intérêt des enfants, notamment.<br /> <br /> Voilà Marie. Je sais qu'on ne peut théoriser à partir de cas isolés. Tout au plus peuvent-ils constituer le point de départ d'une recherche digne de ce nom sur la question que vous avez exprimée. <br /> <br /> Je puis donc simplement vous dire bonsoir et citer une phrase célèbre : "Si j'étais Dieu, j'aurais pitié de la misère du monde". <br /> <br /> H. M.<br /> <br /> PS.: Vous ne serez pas surprise d'apprendre que cette femme est aussi stupide qu'énergique. Cette appréciation n'est dictée par aucune misogynie.
M
"Une fille à pédé" ça mérite développement : à quoi ou comment les reconnaît-on ? Il y aurait un lien obligatoire entre les sentiments et la pratique du sexe ?
H
Les deux premiers billets que Mo nous a donné à lire ce mois accusaient une sorte de fatigue culpabilisée : "Je n’écris souvent que par dépit", nous avait-il avoué ! Et il était prêt à prendre une affreuse résolution : "Je devrais me taire." (voir fin de la confession du 10 septembre)<br /> La conclusion de l'anecdote racontée le 16 septembre ne nous montrait pas Mo sous un jour plus vaillant (tristesse d'Olympio?). <br /> Mais celle du 20 septembre a gagné je ne sais quelle légèreté et s'éclaire de nombreux sourires. Sa dernière phrase, qui se déroule avec une grâce, une persuasion croissantes, est simplement radieuse. Elle se nourrit d'une jubilation secrète.<br /> Que Mo poursuive son blog, sinon on pétionnera.<br /> <br /> H. M.
Publicité
Archives
Publicité