Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mo's blog
13 mars 2006

Fil(s) de renaissance

Une visite nocturne de la somptueuse Grande Place bruxelloise.
Il fait froid ce vendredi mais le détour par ce lieu mythique s'impose en la présence de mes parents.
Le programme du soir s'inscrit dans la tradition bruxelloise. Nous tournons le dos à l'hôtel de ville et bifurquons vers une des rues adjacentes pour rejoindre les Galeries de la Reine. Une table nous attend à la Taverne du Passage. L'ambiance y est conviviale, les serveurs joviaux sans être envahissants, et les tables à une distance respectable protégeant de l'étouffement propre aux lieux plus confinés. Sans oublier l'essentiel, une nourriture à la qualité jamais démentie.
Le lendemain, je reçois un sms de ma mère confiant que la soirée avait été "super". Ainsi fut-elle en effet. Une conclusion qui ne doit cependant (presque) rien au hasard.

Lorsque je mis un terme à ma vie antérieure il y a déjà quelques années maintenant, je ne pus en gommer tous les aspects. Le tribut d'une telle attitude se serait révélé (trop) lourd dans la mesure où il m’aurait conduit inévitablement à un sacrifice sur le plan familial. Au vu de la nature des liens avec mes parents, jamais distendus, je n'envisageai jamais sérieusement cette éventualité.
Au cours des premiers mois de prise de distance avec ma vi(ll)e d'origine, je revins à intervalle plus ou moins régulier leur rendre une petite visite.
Je dois bien admettre qu'au delà de l'amour et l'affection que je pouvais leur porter, je me sentais quelque peu redevable envers eux.
L'incertitude entourant mon nouveau mode de vie - sur lequel ils ne pouvaient exercer aucun contrôle - aiguisait dans leur esprit une inquiétude diffuse, typique de l'être humain face à l'inconnu. Pour les rassurer, je me forçais à leur montrer en chair et en os que l'enfant dont ils s'étaient chargé de l'éducation durant des années n'avait pas totalement disparu au détour d'un virage existentiel.
Chaque week-end, je ralliais l'autoroute séparant nos points de chutes respectifs. Au sein de la demeure familiale, théâtre essentiel d'une existence dont la longue parenthèse devait à mes yeux se refermer au plus vite, je tentais de me forger de nouveaux repères. A vrai dire, je subissais de plein fouet un rythme de vie et une série d'habitudes disparues au premier coup de vent bruxellois et dont la lourdeur soudain révélée m'indisposait rapidement.

Les mois s'égrenèrent, mes visites s'espacèrent progressivement. Dans ma tête, l’unité de la structure familiale classique avait volé en éclat. La configuration mentale « parents-enfants » traditionnelle diffusée au travers des médias (un père, une mère, leurs enfants, réunis dans un esprit « Ricoré » de compréhension mutuelle) tend à changer de peau quand ces derniers deviennent adultes.
Eclatés dans des lieux de résidence différents, je ne percevais plus que la sensation d'un fossé générationnel mettant en lumière le terrible vieillissement de mes parents. Les critères utilisés pour un tel jugement empruntaient autant à la subjectivité qu'à des constats cinglants: des rides plus prononcées par ci, une énergie émoussée par là.
Mes retours vers la capitale s’accompagnaient de pincements au cœur incessants. Je pris conscience que derrière la renaissance qu'il généra instantanément, le départ de la maison familiale incarnait également une petite mort. Après ma sœur, je désertais les lieux, laissant mes parents se mor-fondre dans un quotidien qui serait celui de leurs dernières heures.
L'idée de leur disparition inévitable rejaillissait
à la moindre de mes visites. Un malaise renforcé par l’impression qu’il s‘était enclenché un décompte du nombre de nos rencontres avant leur extinction, comme si à chacune d’entre elles je coupais un petit peu plus la corde soutenant leur cercueil au dessus du caveau.

Les choses ne pouvaient plus durer ainsi. Je devais apprendre à changer mon état d'esprit mais je sentais que je n'y parviendrais pas sans me donner les moyens d'opérer le déclic nécessaire.
Au début de ma relation avec L., je m'étais étonné de sa façon très particulière d'organiser les retrouvailles avec sa mère. Embrassades et mots tendres exprimés dans un décor soigné, régulièrement autour d'un repas (que ce soit à la maison ou au restaurant). Dans ce jeu de mise en scène, de
théâtralisation un brin excessive à mon goût sur le plan de l'effusion sentimentale, je devais en retenir l'essentiel: il fallait éviter de replonger dans un quotidien duquel on s'était extirpé pour privilégier un cadre nouveau, une atmosphère de rencontre plus festive.
Je décidai de franchir le pas en invitant mes parents dans un resto à Bruxelles. Ils assurèrent la réciprocité dans un bel endroit proche de chez eux.
Nous les accueillîmes à la maison autour d'un repas méticuleusement préparé avant qu'il ne nous propose de partager une conviviale fondue chez eux.
Le mode opératoire était lancé: nos rencontres s'initiaient par le biais d'invitations, à l’instar de la relation entretenue avec les
amis.
La réussite de ce principe ne s’est pas démentie. Il contribue à ne plus trop éprouver ces sentiments qui obscurcissaient autrefois mes pensées lorsque je les quittais.

Le destin de la vie est implacable, à nous d'y mettre un peu de forme avant qu’il ne nous rattrape. 

Publicité
Commentaires
M
Tout est pour le mieux donc dans cette relation parents-enfants. J'ai pu constater maintes fois que ce sont surtout les garçons qui ont le plus de mal à couper le cordon et culpabilisent davantage que les filles. Ils pensent beaucoup trop à mon avis et tout dépend aussi comment ils ont été entourés d'affection, trop marquée quelquefois ?
Publicité
Archives
Publicité