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Mo's blog
15 janvier 2006

Un vendredi hivernal

Un vendredi froid et triste comme seuls peuvent nous le réserver janvier et février. Ce soir, L. se rendra à la fête de nouvel an de son employeur. Sa présence en fin d’après-midi perturbe mes prédispositions anticipatives : mon esprit s’est déjà préparé à une soirée solitaire. A peine m’a-t-il rejoint dans la voiture qu’il s’engueule avec un flic, évitant de peu une contravention. Le calme escompté vire à l’aigreur d’estomac. Il veut parler boulot, je souhaite me contenter d’un silence assisté.  Un soupçon de conflit larvé traverse les deux heures qui précèdent son départ. Je me suis réfugié sur le net. Il estime que je le délaisse. Certes je l’évite mais au fonds de moi, j’aspire à de l’échange affectif. Le moment ne paraît cependant pas opportun avec lui.

Le baiser furtif avant son départ sonne faux et ne parvient pas à combler la distance. Je l’aperçois de dos, la main sur la poignée. Je ne réagis pas, laissant échapper l’opportunité d’un rattrapage sur le pas de la porte. Je respecte la fatalité de ces moments où les ondes se brouillent et dont la seule issue consiste à renoncer à chercher la fréquence. En attendant que les câbles, dans une résurgence du souvenir de leurs liens passés, se reconnectent par magie pour assurer une fluidité propice aux échanges.

20 minutes plus tard, le premier en souffrance, je lui envoie un message. Une demande impossible à formuler en sa présence quelques instants plus tôt et que je m’autorise par le biais du langage écrit. Je lui confie mon humeur en quelques mots : « Dis-moi que tu m’aimes ». La réponse se fait attendre. Peut-être n’a-t-il pas entendu la sonnerie.

Je traverse une de ces périodes où le plaisir des sorties, le défi des rencontres, le goût de l’espoir ont cédé leur place à la crainte du contact externe, à l’écran de fumée noire sur tout projet à court terme, à ce besoin infini d’affection, de marques de reconnaissance.

Je tente d’échapper au vide angoissant d’une soirée mal engagée. J’envoie un court texto à un ami dont je suis sans nouvelles depuis une dizaine de jours. Sans réponse, je cherche une présence ailleurs. Sur le net forcément. Je chatte en conservant le masque de la sérénité et de la jovialité. Je ne réclame pas le moindre apitoiement.

Le moment paraît idéal pour rêvasser devant un épisode de Six Feet Under. Je connais le chemin - je l’ai déjà emprunté - menant vers la magnificence des émotions tristes et intimes, cette plongée dans la psychanalyse des sentiments humains que mon cœur grand ouvert, assorti d’une empathie évidente, peut assimiler sans trop de peine. Il convient juste de jouer le jeu, d’aller au devant de sa fragilité pour entrer en contact avec ces personnages, leurs sentiments complexes, un peu les nôtres. 

Moins d’une heure plus tard, je me poste à nouveau devant mon PC. L’ami à qui j’ai écrit un message s’est connecté sur msn. Je me demande s’il m’évite en ce moment. Je m’engage néanmoins dans une conversation brève et banale. Je suis prêt pour une fois à m’épancher sur mon état d’esprit. J’attends d’abord une réponse qui puisse en donner le coup d’envoi. Elle ne vient pas. Occasion ratée. Tristesse et désolation. Comme une mauvaise pioche, un choix du casting qui tourne au vinaigre. Veut-il vraiment de mon amitié, souhaite-t-il me confier la sienne ?

Je tente d’ignorer ces interrogations douloureuses en écoutant quelques morceaux mélancoliques. J’ai appris par le passé à en éprouver un certain plaisir. Je cherche une voix complice pour la circonstance. Je tombe aisément sur celle de Peter Walsh des « Apartments ». Avec elle, je peux faire sauter les verrous du contrôle social de l’âme. Son timbre parvient à déchirer l’artifice du bien-être, extirper les failles de l’être pour laisser la douce tristesse s’exprimer enfin sans barrière.

Un double bip retentit. Un message de 5 mots. « je t’aime mon amour ».

Même s'il ne comprend pas vraiment mes vagues à l'âme, je ne me sens plus tout-à-fait seul…

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Commentaires
M
ON veut, puis on ne veut pas et on voudrait bien quand même ... attendre et recevoir sans rien demander, être deviné.
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